1. La parole de Dieu de ce 19ème Dimanche du T.O est traversée par le thème de l’attente d’un rendez-vous, pas n’importe lequel, mais un rendez-vous avec quelqu’un qui aime ceux qui l’attendent d’une manière juste et responsable. En effet, pour les serviteurs qui auront veillé, le Maître « prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à leur tour », nous dit le texte de l’évangile. Jésus proclame ici une nouvelle béatitude : heureux ceux qui veillent.
2. C’est le même thème repris par le passage de l’épître aux Hébreux que nous avons lu. Seul qui est confiant, disons mieux, qui a la foi peut attendre, puisque « la foi est le moyen de posséder déjà ce qu’on espère, de connaître les réalités qu’on ne voit pas encore ». Ces attitudes, c.à.d. celle de la foi et de l’attente, contraste avec les tendances de notre époque pour lequel, peut-être, avec l’influence du progrès technique que connaissent certaines parties de la terre, il est devenu difficile d’attendre, de patienter. Nous sommes pour beaucoup d’entre nous, des disciples du « tout-et-tout-de-suite ». Mais se trouve-t-il que la vie réelle n’est pas ainsi faite, encore moins celle de la prière.
3. Je me rappelle une réflexion d’un certain penseur contemporain qui écrivait sur l’influence de la technique sur la vie humaine, parlant de trois grandes philosophies qui régissent notre vie. Premièrement, notre époque a peur de souffrir, ou mieux, nous accueillons mal la minime souffrance, même celle liée à l’effort qui ne peut ne pas être dans notre vie. Ainsi est née la philosophie de l’aspirine, un « antalgique ». L’homme contemporain, au lieu de chercher à donner « aussi » sens à la douleur, à la souffrance qui n’est pas que négative, cherche à l’éviter à tout prix, se permettant même des choix immoraux. Je pense à certaines femmes burundaises (non seulement elles !) dont j’ai entendu parler qu’avec la gratuité des soins de maternité, ne veulent plus donner naissance aux enfants, sinon par césarienne. Elles le demandent pour éviter toute douleur, et surtout pour ne pas attendre la naissance dans la douleur. La douleur est-elle pour autant éliminée ? Cela ne cause pas une douleur d’un autre type ? Je ne le sais…
4. Deuxièmement, notre penseur a parlé de la philosophie du micro-onde ou du télécommande. Nous sommes de plain pied dans le « tout et tout de suite ». Comme on programme combien de minute on veut chauffer quelque chose et qu’il advient ainsi, comme on appuie sur une telle touche du télécommande afin qu’ainsi advienne, tout cela sans effort « presque », ainsi voudrait-on que soit la vie humaine. Je ne pense pas qu’il en soit ainsi ! Pour qui est habitué à user de ces choses qui en soi, ne sont pas mauvaises, mais sans un certain regard critique, il se crée comme une nouvelle vie, une seconde nature. Sera-t-il capable d’attendre l’heure du Maître dont les caractéristiques de l’évangile de ce jour sont le « retard » et l’ « inattendu » ? Se mettra-t-il en prière et attendre le moment de Dieu, quand bien même tardera la réponse ? A ce que je sache, moi-même qui suis si « impatient », la vie de prière n’est pas un « appuyer 2, appuyer 3 » comme on le fait sur le télécommande, sur le micro-onde, sur le téléphone portable. Outre que ces choses peuvent créer en nous une nouvelle « nature », ils nous épargnent tout effort, toute patience, toute attente ! Au lieu de les utiliser, ils nous commandent ! Attention !
5. Ceci me portent sur la troisième philosophie sur laquelle je ne voudrais pas m’étendre longuement : celle du papier mouchoir, ou mieux, de toutes ces choses à « usage unique ». Avec ce progrès, « puisqu’on a plus de temps » pour faire la vaisselle, laver des choses, puisque nous sommes pressés, nous sommes devenus des hommes du siècles de vitesse. Qu’arrive-t-il quant aux relations humaines ? Sommes-nous encore capables de patienter, d’attendre ? Je ne dis rien quant à ce qui concerne les engagements pour toute une vie : le mariage en notre temps à mentalité « divortionniste », « la vie religieuse qui va jusqu’à se donner pour toute la vie… Est-il vraiment facile pour celui qui n’a connu dans sa vie que presque des choses à usage unique ? La femme/le mari ne sera-t-il pour certains moments ?… Allonge toi-même la liste !
Voilà où nous en sommes, voilà où nous pouvons arriver, si nous ne prenons pas conscience de certaines des dimensions de notre vie. Mains nous n’avons pas à avoir peur !
6. « Soyez sans crainte petit troupeau », nous dit Jésus. Depuis le 12ème dimanche, nous accompagnons Jésus jusqu’à Jérusalem. Il avance vers une mort tragique qui pourrait être un échec aux de beaucoup, y compris sn petit cercle de disciples. Oui, il s’agit d’un « petit » troupeau, une minorité sans force visible face au monde qui les entoure. Dans notre vie, des échecs ne sont pas à chercher par enquête policière : ils sont une évidence. Pensons un moment aux luttes des communautés chrétiennes d’ici et là face aux divers projets de loi contre la vie, contre la famille… Pensons à notre propre personne quand nous nous efforçons de vivre nos engagements face à beaucoup de critique de nos proches qui nous découragent… Sois sans crainte, tu es avec Jésus, même dans ces échecs apparents. La vérité ne sera pas vérité parce que « compromis » de la majorité. Mais quelle est notre attitude ? Acceptons-nous de faire partie de ce petit troupeau ?
7. Ce qu’il nous faut, chers frères et sœurs, c’est de « veiller ». Qui veille peut se libérer de toutes ces valeurs et succès illusoires. Seul celui là peut vivre tendu vers la rencontre de son bien-aimé Seigneur dont je parlais au premier paragraphe de cette réflexion. Il sera « heureux dans l’attente ». N’oublions pas que des difficultés ne manqueront pas, même avec tous les moyens à notre disposition : pensons un peu à la parabole des 10 vierges de cette semaine. Tous s’endorment quand tarde l’Epoux, celles qui ont les lampes sans huile de réserve, et, pareillement, celles qui ont tout prévu. Cela ne devrait pas nous décourager. Des chutes, il peut y en avoir, du sommeil, de la fatigue. Mais sommes-nous tendus à cette rencontre ? Comment l’attendons-nous ? Pas n’importe comment. Il nous faut une certaine responsabilité. C’est pourquoi l’Evangile, à la demande de Pierre, parle d’intendant qui doit attendre son maître, d’une manière responsable. Nous sommes alors invités à prier pour ces intendants (les pasteurs du petit troupeau : l’Eglise) qui ont le devoir de nourrir chacun de nous, afin que personne ne manque du nécessaire pour cette attente, une attente heureuse et responsable.
Comment est-ce que je vis mon attente ? Telle est la question à moi, à toi faite aujourd’hui et toute l’attente durant.