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D’une foi qui ne sait que demander à une foi adulte qui se tourne vers l’Autre.

AU FIL DU TEMPS (Articles publiés)


SYRIELa première lecture et l’Évangile présentent des similitudes. Dans les deux lectures, des hommes sont guéris de la lèpre et la relation entre celui qui guérit et le malade est assez semblable. Ainsi, le prophète Élisée ne sort pas au devant du général Syrien Naaman qui vient le solliciter, mais il lui parle de loin ; de même Jésus répond de loin aux lépreux qui sont venus le prier ; une fois guéri, Naaman et le dixième lépreux de l’Évangile retournent sur leur pas en rendant grâce à Dieu qui les sauve.

Mais ce que nous retiendrons surtout est la manière dont la première lecture prépare à recevoir l’Évangile. Naaman nous enseigne en effet qu’obtenir la guérison de Dieu exige l’humilité. Naaman était arrivé imaginant de grandes incantations et s’attendant à des prescriptions spectaculaires. Mais Élisée ne lui a demandé qu’un geste simple : se plonger sept fois dans le Jourdain. La guérison que Dieu donne ne touche que les cœurs humbles, c’est-à-dire les cœurs de ceux qui acceptent de faire la vérité dans leur vie. Naaman a dû découvrir qu’il n’était pas seulement le général de l’armée syrienne mais un homme aimé de Dieu.

En outre, la guérison que Dieu donne est gratuite. Il n’y a pas de cadeau à présenter pour dédommager le prophète. On n’achète pas la grâce de Dieu. Il y a une semaine, le Pape François disait que la grâce ne nous arrive pas par la poste. Notre participation, et ce n’est pas rien, consiste à laisser sa grâce porter tout le fruit de vie que le Seigneur désire pour nous. 

Ainsi abordons-nous l’Évangile. Il raconte comment dix lépreux vivaient ensemble, communauté de souffrance veillant avec impatience la venue du Sauveur. Or, le voici qui apparaît à l’entrée du village. Les lépreux s’avancent à sa rencontre mais ils s’arrêtent à la distance que leur impureté impose de respecter et crient vers Jésus. Ils ne se prosternent pas devant lui, la face contre terre, comme on a déjà vu d’autres lépreux le faire dans l’évangile, ils ne font pas non plus de longs discours expliquant leurs années de malheur. Ils appellent simplement Jésus « maître », comme le font les disciples. Ils ne sont pas loin de le regarder comme Dieu. Ainsi, c’est davantage par leur prière que par leur présence qu’ils se rapprochent de Jésus.

« Jésus, maître, prends pitié de nous ! », s’exclament-ils. Ils ne lui demandent rien d’autre que sa pitié, ils veulent être regardés par Jésus et pris en pitié. Cette attitude manifeste une foi digne d’éloges. Ils ont une telle confiance en Jésus qu’ils n’exigent rien. Ils ne demandent pas à être guéris ou à être purifiés. Ils désirent seulement être regardés par leur Seigneur. Jésus entend leur cri et se situe lui aussi sur le plan de la foi. Lui qui a embrassé un lépreux, lui qui a touché les oreilles et la langue d’un sourd-muet, lui qui a pris par la main la jeune fille endormie dans la mort et la belle-mère de Pierre emportée par la fièvre, il ne franchit pas la distance que les dix lépreux marquent. Il ne pose aucun geste, ne leur donne aucune prescription, il n’ordonne pas non plus à la lèpre de les quitter. Il invite seulement ces hommes à aller se montrer aux prêtres.

« En cours de route ». Jésus lui-même est « en cours de route » vers Jérusalem. Saint Luc n’en raconte pas davantage. L’évangéliste ne dit pas comment ils se sont quittés, si les lépreux sont partis en hâte. Ils ont obéi, simplement. Grande est leur foi. Se présenter aux prêtres est en effet, selon la Loi de Moïse, constater la réalité de la guérison. Guérison qui n’a été ni demandée ni promise. Tout s’est dit dans l’échange d’un regard de confiance et de foi, dans l’espérance de la miséricorde.

Et les hommes n’ont pas été déçus. Ils ont été purifiés en cours de route.

« L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas en glorifiant Dieu à pleine voix ». Il reconnaît l’intervention de Dieu et lui rend grâce. Il semble désobéir à Jésus puisqu’il ne va pas au temple. Ne jugeons pas trop vite, et disons qu’il ajourne la reconnaissance officielle et réglementaire de sa guérison pour venir glorifier Dieu et enfin se prosterner aux pieds de son sauveur. La barrière qui l’en avait empêché a disparu, enlevée par Dieu lui-même. En outre, l’homme obéit plus radicalement à la demande de Jésus, puisqu’il reconnaît en lui le Grand-Prêtre dont l’offrande purifie l’humanité entière, il voit en Jésus le Temple non fait de mains d’hommes qui manifeste réellement la présence de Dieu parmi les siens.

La largeur de vue de Jésus devrait nous interroger, nous qui nous disons « catholique », universels, ouverts d’horizon. Luc nous signale que Jésus traverse la Samarie, cette terre maudite où il  rencontre des « maudits », des lépreux qui ne peuvent même approcher les autres.  Jésus, Lui, n’a pas peur. Il est venu, tendresse de Dieu, pour les plus pauvres, pour ceux qui nous repousse, ou que nous repoussons. Encore aujourd’hui, il n’a pas peur de moi, de mes péchés, même les plus hideux. Jésus est venu pour cela, pour nous en guérir. Admirons donc, ou mieux, contemplons la manière de faire de Jésus, sa façon de voir les autres. Il ne se laisse embrigader par aucune barrière : il n’hésite pas à traverser cette zone des excommuniées, repeuplée après la déportation de 722 par des populations de toutes origines, avec toutes les religions et croyances en un mélange diffus de races. Ne conservons-nous pas encore des relents de mépris pour certaines catégories, de personnes, certaines races, ethnies, certains milieux ? Si tel était le cas, on vivrait non comme des sauvés, mais peut-être des guéris. Nous apprenons ainsi que rien ne peut nous empêcher d’être agréable à Dieu, ni notre condition, ni même la maladie. Jésus s’étonne même de ce que les fils de la promesse n’ont pas su rendre gloire à Dieu et reconnaître son irruption dans leur vie. Seul cet étranger manifeste une autre foi que celle des neuf autres, la foi qui permet d’accéder au salut :1/10= 10 % : avons-nous encore 10% de ceux qui vivent comme des « sauvés » ? Cruelle réalité de notre temps ! Pourtant tous ont été guéris. Cela veut dire que la guérison que donne Jésus ne permet pas d’obtenir le salut si elle ne débouche pas vers une authentique action de grâce. Une guérison reçue du Seigneur est vaine si elle n’ouvre pas à une relation nouvelle avec Jésus. Jésus, en effet, ne nous guérit que pour nous permettre d’être pleinement en relation avec lui, car c’est cette relation que la lèpre de notre péché a rompue, c’est cette relation que Jésus est venu restaurer. Jésus a posé un regard de miséricorde sur l’humanité et a décidé de la réconcilier avec son Père des cieux.

En effet, « tous furent guéris », mais à un seul Jésus a pu dire : « ta foi t’a sauvé ». Peut-être que tel est notre cas. Nous sommes constamment purifiés de nos péchés, mais notre guérison ne nous pousse pas à établir une vraie relation avec Jésus en épousant sa vision ouverte à tous. Peut-être qu’après nos confessions, nous oublions de rendre grâce, et surtout de revenir sur nos pas pour vivre non seulement en «hommes/femmes guéris», mais aussi et surtout en « hommes et femmes sauvés.» Ce samaritain, ayant constaté sa guérison, «revint sur ses pas … en glorifiant… en rendant grâce=’ευχαριστων (« en eucharistiant », dirai-je). En grec moderne, « dire merci » se dit «εφκαριστω= efkaristô ». Qui de nous pense spontanément, quand il va à la messe, qu’il « va au merci » ? En Kirundi, on a souvent appelé la liturgie « AMASÁBAMÂNA »= qui ne se réduit qu’à la demande. Ne faut-il pas passer de la foi rudimentaire qui ne sait que demander à la foi épanouie qui sait se tourner vers l’Autre pour rencontrer vraiment son Visage. Il se trouve donc une différence d’attitude entre celui qui vit comme « guéri » et celui qui vit comme « sauvé ». Lequel suis-je ?

Seigneur Jésus, prends pitié de nous ! Nous nous présentons à toi comme des disciples qui ont faim et soif de mieux te servir, faim et soif de savoir te louer en vérité, en toute humilité. Donne-nous de savoir nous tourner vers toi et de savourer le don que tu nous fais dans l’eucharistie. Elle reproduit et actualise l’œuvre de ton salut. Elle est le sacrement de la guérison dont nous avons besoin. Merci pour ce don de ton amour.


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