Frères et sœurs, en cette nuit qu’illumine la splendeur du Christ ressuscité, nous sommes invités à célébrer notre propre passage de la mort à la vie. En appelant Jésus à une vie nouvelle, Dieu n’a pas annulé ni banalisé sa mort humaine, il en a plutôt changé la signification. La résurrection de Jésus atteste que l’épreuve angoissante de la mort ouvre un passage vers la communion avec Dieu, pour qui s’est abandonné à Lui. Le mot « Pâques » désigne donc ce nouvel « exode » hors du pays de l’idolâtrie, du mensonge et de la violence, comme il en aura été pour la vie de Jésus et surtout durant son procès qui n’a pas même duré 24 heures alors qu’il a eu comme fin la peine capitale. Quelle rapidité ainsi étrangère à nos juridictions ! La résurrection que nous célébrons à Pâques accomplit dans le mystère quotidien de notre renaissance, si magnifiquement évoqué par les grands symboles de la veillée pascale : la lumière, la parole, l’eau (de baptême), le pain et la coupe eucharistique.
Pour commencer voyons comment il est mis en scène. Il y a un tremblement de terre, et l’ange ressemble à un éclair. Ce sont des signes eschatologiques, nous sommes donc à la fin des temps. De plus, l’ange est assis sur la pierre, montrant la maîtrise absolue de Dieu sur la mort, qui est le signe de l’avènement de la fin des temps.
Il porte un vêtement blanc, le même que l’on a vu briller au jour la transfiguration que nous méditions au deuxième dimanche du Carême. Sa descente du ciel est le mouvement même de l’Esprit Saint lors du baptême de Jésus. Ces éléments montrent que toutes les théophanies de l’évangile sont convoquées. Mais l’ange lui-même est un rappel. Nous l’avons connu en effet au début de l’évangile. Cet ange qui vient nous orienter vers la Galilée, est celui est descendu à Nazareth annoncer la venue du Sauveur à un certain Joseph, charpentier de son état.
Mais aujourd’hui, l’ange n’est plus une figure diffuse qui parle dans un songe. Il brille. Son éclat nous dit que la résurrection est l’événement vers lequel toute l’Ecriture converge, il signifie que la résurrection est la source de la lumière qui éclaire la Loi, les prophètes et toutes les écritures. Voilà qui peut nous rendre attentifs à certaines paroles de l’ange. « Il est ressuscité comme il l’avait dit », nous dit-il. Cette scène n’est donc pas dans l’ordre de la représentation, mais dans l’ordre la foi ! Cela veut dire que ce message nécessite notre adhésion.
La résurrection nous demande une prise de position. Il nous faut choisir à quel groupe nous voulons appartenir. Celui des soldats, qui refusent de lire le signe du tombeau vide, et sont comme morts d’avoir refusé le jaillissement de la vie, ou celui des saintes femmes, qui, toutes tremblantes, accueillent le signe et la parole qui leur sont donnés. Il faut noter que l’Evangile ne décrit pas le comment de la résurrection : il faut y croire. On nous parle de l’ange qui ouvre le tombeau en roulant la pierre pour que les femmes puissent constater que le tombeau est vide : « venez voir l’endroit où il reposait ». Elles étaient en recherche devant le tombeau vide, et elles ont finalement rencontré Jésus, le Vivant.
Ainsi, si la rencontre avec Jésus est si simple, si naturelle, et presque anodine (elle ne tient que deux versets à la fin de l’évangile), c’est parce que la foi nous rend accessible les réalités que nous cherchons. « Je vous salue », dit Jésus, montrant ainsi qu’il nous a définitivement acquis la familiarité avec Dieu que nous avions perdue. Il n’est pourtant pas question de s’attarder avec le Maître, de le maintenir près de nous : il nous invite à courir annoncer la Bonne Nouvelle. « Vite » nous dit l’ange. Voilà alors comment la résurrection fonde l’Eglise. L’ange invite les femmes à vite transmettre cette nouvelle à la communauté des apôtres en déroute et dispersés par le scandale de la mort du Maître. Le Ressuscité lui-même prend la tête du groupe en les précédant au lieu du rassemblement, la Galilée des nations qui sera le départ de cette nouvelle communauté aux dimensions universelles.
Il y a urgence donc, nos frères doivent savoir, toutes nos Galilées attendent l’aurore de ce jour où l’on peut enfin crier : « Alleluia, Jésus est ressuscité ! Venez et vous le verrez ! »