La liturgie de ce troisième dimanche de Pâques nous invite à nous mettre en route, à la suite du Christ ressuscité, et à la lumière de son Esprit. La vie s’était arrêtée, pour les disciples, au pied de la croix. Ces disciples parlent de quelqu’un comme dans un passé qui est passé : « Cet homme était… ils l’ont livré…voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé… » L’espérance est aussi morte: « …nous espérions… mais voici déjà… » : il n’y a plus rien à espérer, la mort a définitivement englouti sa victime. Ils fuient la Cité sainte par peur des responsables religieux, et s’apprêtent à reprendre « la vie sans but qu’ils menaient à la suite de leurs pères », comme nous le lisons dans la 2ème lecture.
Les Apôtres à vrai dire n’en menaient pas plus large. Même lorsqu’ils auront enfin compris que Jésus est vivant, ressuscité, ils demeureront encore 50 jours à l’écart, évitant de se faire remarquer, enfermés eux aussi dans la peur. Ce n’est qu’au matin de Pentecôte, après avoir été « baptisés dans l’Esprit Saint » (Ac 1, 5) et avoir reçu la « force » d’en haut (Ac 1, 8) promise par le Christ, qu’ils pourront enfin s’arracher à leur inertie et témoigner ouvertement de la Résurrection du Seigneur Jésus.
C’est en effet l’Esprit qui entraîne les Apôtres dans le sillage de leur Maître. Celui-ci leur avait « montré le chemin de la vie » (1ère lecture); l’Esprit le leur fait emprunter à sa suite. Les apôtres ne se mettent pas seulement à proclamer la victoire de la vie sur la mort, ni à enseigner une morale abstraite à suivre, parce qu’en cela ne consiste la mission de celui qui a rencontré Jésus. Il s’agit de se porter témoins, sans peur des risques (gushēta agatwé), se déclarer témoins d’un homme connu des Juifs pour avoir fait parler de lui… et affirmer qu’il est ressuscité et qu’on ne peut pas ne pas le dire.
Quant au Christ, après avoir traversé la mort qui ne pouvait le retenir en son pouvoir, il poursuit sa course victorieuse : « Elevé dans la gloire par la puissance de Dieu, il a reçu de son Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu » (Ibid.) comme il l’avait annoncé. C’est lui, l’Esprit de vérité (Jn 14, 17), qui permet aux disciples de comprendre à la lumière des Ecritures, qu’il « fallait que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ». C’est lui le «Défenseur » (Jn 14, 16) qui leur donne de « croire en Dieu, qui a ressuscité Jésus d’entre les morts et lui a donné la gloire » (2nd lecture). C’est lui qui leur « ouvre les yeux » et leur permet de regarder le Seigneur qui demeure à leurs côtés sans relâche afin qu’ils ne tombent pas » (cf. 1ère lecture). C’est lui le Consolateur qui embrase leur cœur à l’écoute de la Parole, les remplit d’une sainte allégresse et leur donne de proclamer : « C’est vrai ! Le Seigneur est ressuscité ». Il s’agit d’un événement qui fait jaillir la joie et que nous partageons à ceux qui s’en vont tristes sur leur chemin.
Si nous nous « arrêtons, tout tristes » au bord du chemin, n’est-ce pas le signe que nous ne sommes plus sous l’onction de l’Esprit, dont la mission consiste précisément à éclairer notre route et à nous communiquer la force d’y progresser dans la joie et la confiance ? A travers chacun de nos actes, chacune de nos décisions, nous sommes appelés à donner du sens à notre vie. Pour un croyant cela signifie : confirmer le sens chrétien que nous donnons à notre existence à partir de l’accueil de la Bonne Nouvelle de la Résurrection de Notre-Seigneur. Mais si nous perdons de vue ce mystère de grâce qui devrait éclairer toute notre vie, quel sens lui donnerons-nous ?
Lorsque Jésus demande aux disciples d’Emmaüs de lui expliciter les événements auxquels ils font allusion, il ne fait pas semblant d’ignorer ce qui s’est passé : sa lecture et son interprétation des faits sont tout simplement totalement différentes. Les disciples ne parlent pas de la Passion telle que Jésus l’a vécue ; ou du moins, ils en font une lecture erronée, parce qu’ils n’ont pas la clé d’interprétation qui leur permettrait de comprendre les enjeux de ce qui s’est passé. Ils se sont « arrêtés, tout tristes », ne percevant pas qu’à travers la mort de leur Maître, les Écritures trouvaient enfin leur accomplissement : la vie se frayait un chemin victorieux qui déboucherait bientôt sur le triomphe du matin de Pâque.
Il faut noter une chose : le Seigneur nous rejoint partout où nous sommes, surtout dans la désolation. Emmaüs dont il est question n’est pas géographiquement localisable. Il se situerait à un rayon de 2 heures de marche à partir de Jérusalem. Mais c’est où exactement ? En plus, l’autre disciple qui était avec Cléophas n’est pas nommé. Et l’Ecriture Sainte nous laisse ainsi la place pour nous y reconnaitre: nous sommes le deuxième disciple. Qui ne s’est jamais senti dépassé par les évènements? Autrement dit, qui n’a jamais pris le chemin d’Emmaüs? Il s’agit d’Emmaüs chaque fois que nous sommes débordés par les événements, que tous nos espoirs s’effondrent…
La seconde chose qu’il faut noter : Jésus laisse ses amis vider leur sac. Lui qui connaît tout, qui a tout vécu, il écoute attentivement la lecture que lui font ses amis découragés. Combien de fois nous-mettons-nous à préparer une réponse à celui qui nous parle, avant de l’avoir écouté ? «En fait, ce que tu veux me dire, c’est… », disons-nous sans vouloir écouter ! Une récente étude américaine dit que un grand nombre des médecins interrompent les malades qui parlent dans les 30 premières secondes! Qu’en est-il de moi ? Seigneur, donne-moi un peu plus de patience !!
C’est alors après que Jésus offre une lecture des évènements à la lumière de la Parole de Dieu. Oui, la Parole de Dieu fait un tout unique. Le premier Testament illumine l’Evangile et aide notre raison à trouver le sens profond de notre cheminement. Les disciples qui avaient pourtant reconnu en Jésus un prophète, (donc leur foi n’était pas au point zéro !) cherchaient de comprendre ce qui s’était passé. Ils étaient débordés. Ils ne sont pas sur la route d’Emmaüs, ils sont plutôt en DEROUTE parce qu’ils s’éloignent de la ville sainte.
Il en est ainsi pour chacun d’entre nous : si nous lisons les événements de notre vie et de ce monde à la seule lumière de notre discernement naturel, nous avons toutes les raisons de désespérer et de nous éloigner tous tristes. Si nous voulons échapper à l’absurdité et à la morosité d’une vie sans but, il nous faut éclairer notre route par la Parole de vérité, et accueillir l’Esprit de sainteté pour pouvoir avancer dans la paix et la confiance, les yeux fixés sur celui qui est définitivement « glorifié à la droite du Père » (Col 3, 1).
Alors tout se résout quand ils décident de s’ouvrir : au-delà de la catéchèse que leur donne Jésus, il y a un autre pas : le désir de rencontre une personne, la disponibilité et l’hospitalité : « Mane nobiscum, Domine= Reste avec nous, Seigneur ». Les cours spéciaux de doctrines, bien qu’importantes, ne suffisent pas, ne donnent pas la foi. En effet, la foi chrétienne est une relation vécue, une RENCONTRE avec une personne : JESUS, qui nous accompagne, qui vient chez nous et des fois nous ne nous en rendons pas compte. Les disciples s’en rendront compte après. Et s’ils n’avaient pas invités cet inconnu… ? Quelle est mon attitude face à des inconnus ? (Fausse)Prudence ? réserve ?….
« Seigneur Jésus, pour beaucoup d’hommes et de femmes de mon temps, tu n’es qu’un inconnu. Parmi ceux qui portent ton nom ; nous sommes nombreux parmi ceux qui pour qui tu demeures un étranger. Ouvre nos Esprits et nos cœurs. Reste avec nous et prends place à notre table, rassemble-nous pour la fraction du pain en mémoire de Toi. Nous pourrons alors, nous aussi, nous lever et reprendre joyeusement notre route, vivant pendant notre séjour sur terre, dans la crainte de Dieu, et annonçant à nos frères le salut par ton Sang précieux, toi l’Agneau sans défaut et sans tache».
[…] du deuxième disciple qui accompagnait André est précieux. nous le retrouvons par exemple dans l’épisode des disciples d’Emmaüs (clic pour lire): l’autre disciple n’est pas nommé. Il nous permet de nous […]
J’aimeJ’aime