Le discours de Jésus à ses disciples a lieu « à l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père ». Le détail n’est pas sans importance, il attire spontanément notre attention. Nous sommes à la veille de la Passion, nous imaginons sans peine les dispositions intérieures des disciples, nous devinons très bien quelles pouvaient être leurs inquiétudes à quelques heures de la mort du Seigneur.
De fait, les paroles de Jésus laissent entendre que Jésus s’exprime dans un climat de crainte. Il parle d’invoquer un défenseur, ce qui prouve bien que le climat est hostile, et il parle de ne pas laisser les disciples orphelins, évocation claire d’une des plus douloureuses séparations qui soient. Rappelons-nous du contexte dont nous avons déjà parlé dans une des méditations précédentes. (Lire la méditation en cliquant sur ce lien : les disciples sont incertains du futur qui les attend. On comprend donc la peur et l’anxiété des disciples…)
La question pourrait alors être celle-ci : pourquoi évoquer ces heures sombres au cœur de temps pascal ? Pourquoi nous montrer la crainte des disciples à la veille de la Pentecôte, c’est-à-dire à la veille d’annoncer l’évangile aux Nations ? Peut-être parce que le Saint-Esprit est présenté dans ce texte, mais il y a bien d’autres textes que celui-ci pour évoquer le Saint-Esprit. La question demeure. Essayons donc de suivre le discours de Jésus pas à pas…
« Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements ». Le discours s’ouvre sur une difficulté. Cette phrase n’est pas très simple ; elle peut vouloir dire : il vous suffit de m’aimer et, immédiatement, mes commandements seront gardés. « Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements », c’est-à-dire : en aimant Jésus, on est fidèle à ses commandements ; les commandements que Jésus nous laisse, consistent à l’aimer. Mais il y a aussi une autre façon de comprendre ce verset : si vous m’aimez, cela prouvera que vous respectez mes commandements. Aimer Jésus ne va pas de soi, la preuve de l’existence de cet amour sera donnée si ses commandements sont respectés.
Une autre chose non de moindre importance est que Jésus s’engage personnellement : « Moi, je prierai le Père ». Il prend ses responsabilités, il fait ce qu’il a faire. L’argument est massif et devrait rassurer ; si Jésus intercède pour nous, qu’avons-nous à craindre ? « Je prierai le Père et il vous donnera un autre Défenseur ». Un défenseur. En faisant cette prière, Jésus montre qu’il se soucie de la défense des disciples, il montre qu’il est lui-même un défenseur. Voilà pourquoi il parle d’un « autre défenseur ». Mais sa demande implique aussi autre chose. Elle veut dire qu’à travers le procès tout proche de Jésus, un autre procès se dessine, celui où les disciples de Jésus seront eux-mêmes accusés, pour leur foi au Fils de Dieu crucifié et de nouveau vivant. Ce terme de Défenseur, d’Avocat, ou encore de Paraclet, mérite donc l’attention. En milieu judiciaire juif, l’avocat ne tenait pas de plaidoirie, mais il assistait son client et le conseillait au fur et à mesure tandis qu’il parlait lui-même pour tenter de se défendre. Cela laisse entrevoir quelque chose de la nature de l’Esprit-Saint. Il soutient les disciples pour des actes de parole comme le fait une personne et non comme interviendrait une force anonyme ni comme une volonté extérieure pourrait supplanter la liberté des disciples. L’Esprit-Saint parle pour aider, aux disciples de choisir d’écouter ses conseils.
Dans son discours, Jésus se montre très rassurant. Mais quelle crainte cherche-t-il à effacer ? Nous avons un nouvel indice quand il dit : « je ne vous laisserai pas orphelin ». Les disciples éprouvent bien une crainte, celle d’être orphelin, c’est-à-dire une crainte qui concerne le Père. Nous avons tous ressenti le poids de l’absence au moment de la mort d’un être aimé. Plus cette personne était proche, plus le sentiment d’absence et de solitude était grand. Quand une personne perd son conjoint par exemple après beaucoup d’années de mariage, elle a l’impression de perdre une partie d’elle-même. Cela valait également pour les apôtres dans leur amour pour le Christ. Ils avaient tout laissé pour le suivre : leurs amis, leur famille et leurs projets. Au fur et à mesure qu’ils ont appris à le connaître, leur amour pour lui a grandi. Maintenant il parle de les laisser. Les apôtres sont déroutés. Se rendant compte de leur angoisse, le Christ les rassure en leur disant qu’ils ne seront pas seuls : il ne les laissera pas orphelins. Il leur enverra son Esprit. Le Christ ne nous a pas abandonnés non plus. Il est avec nous. Il est à nos côtés. Exerçons-nous à découvrir sa présence en nos vies.
Nous touchons là au but. La crainte fondamentale des disciples à la veille de la séparation d’avec le Christ est de ne plus savoir vivre comme des fils ; ils connaissent la fragilité de l’homme et redoutent que le mystère de la vie filiale leur échappe définitivement. Voilà pourquoi Jésus promet l’Esprit de vérité, l’Esprit qui permet de voir et de se tenir en vérité devant Dieu, l’Esprit qui fait de nous des fils. « En ce jour-là, continue Jésus, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous ». En ce jour-là, en ce jour où l’Esprit sera pour toujours auprès des disciples, avec eux et en eux, d’une présence invisible, ils connaîtront intérieurement le salut réalisé par Jésus-Christ : la vie filiale restaurée. Ils recevront le fruit du salut qu’est l’Esprit-Saint et ils goûteront la joie du salut qui est d’être des fils dans le Fils.
« Seigneur Jésus, je veux te connaître de manière profondément personnelle. Je sais que pour y parvenir, je dois accomplir ta volonté avec toute la générosité dont je suis capable. Je ne veux pas te suivre à moitié, Seigneur ; je veux répondre pleinement à ton amour pour moi. Pourtant, je connais ma faiblesse et je sais que j’ai besoin de ton aide pour y parvenir ».