Même dans une société gérée par le droit et technologiquement avancée, il est toujours facile de faire expérience de la fragilité humaine. L’homme peut penser maîtriser tout comme il en était pour ces experts et habitués du lac (certains des apôtres étaient des pêcheurs), mais, tôt ou tard, il se rend compte de sa faiblesse. Les lectures de ce dimanche nous invite à méditer sur le mode d’intervention de Dieu au sein de nos tourments. Il n’entend pas les balayer d’un revers de la main, mais nous fournit certaines certitudes : tout ce qui pourrait être mystérieux et abyssal lui est, dans tous les cas, soumis ; en outre, nous pouvons compter sur sa miséricorde, qui prend soin de nous doutes et faiblesses.
A lire normalement ce passage de l’Evangile, rien ne distingue physiquement Notre-Seigneur d’un autre homme. A en juger au programme de ses journées et aux nuits passées en prière, il est certes particulièrement résistant ; mais il a néanmoins besoin de repos comme tout le monde. La journée de prédication l’a épuisé ; aussi s’endort-il sans tarder sur le coussin dont se servaient les rameurs dans les barques de pécheurs de l’époque. Il dort même si profondément, que ni le hurlement du vent soufflant en tempête, ni le fracas des vagues malmenant le frêle embarquement, ne troublent son mystérieux sommeil.
A bout de ressources, craignant d’être à chaque instant engloutis par cette mer déchaînée, « ses compagnons le réveillent » tout angoissés, et lui crient leur détresse : «Maître nous sommes perdus : cela ne te fait rien ? ». Marc nous présente différemment cet épisode. En effet, on lit ailleurs ceci : « Seigneur, nous sommes perdus, sauve-nous ! » (Mt8, 25) ; « Maître, Maître, nous périssons » (Lc8, 24). Marc exprime donc, plus que le autres, l’angoisse, la fatigue et, en même temps, leur malaise par rapport au fait qu’il s’endort. C’est notre situation quand nous nous sentons abandonnés par Dieu, comme nous le lisons dans le Psaume 44, 24 : Réveille-toi Seigneur ! Pourquoi dors-tu ? Des mots qui traduisent notre fatigue de vivre. Des mots de protestations. Mais aussi, des mots d’une prière vraie qui ne fait aucune feinte. Des mots qui protestent et invoquent en même temps. Le psalmiste trouve la réponse dans le psaume 121,4 : il ne dors pas, ne sommeille, pas, le Gardien d’Israël. Rappelons-nous que, lors de la création, Dieu limita les eaux et les confina dans les mers et océans (Gn1,6-10, Ps 104). Il imposa un ordre, une harmonie et cela, par la Parole. C’est ce que fait Jésus, qui impose un ordre, par sa Parole. Il fait comme Dieu, il est Dieu. Y croyons-nous ?
A ce point, notre foi doit croitre, devenir mûre. Il nous est dit que devant ce fait, les apôtres s’interrogent. On ne dit pas qu’ils y croient aussitôt. La foi arrivera seulement au bout du cheminement, vers la fin de cet Evangile, avec la profession de foi de l’officier romain : vraiment, cet homme était Fils de Dieu. (Mc 15,39). Que veut dire cela ? Simple. La foi mûrit sous l’arbre du scandale de la croix. C’est la le lieu où Dieu se charge de la souffrance de l’homme : ils la portent à deux. Dieu participe donc à la souffrance de l’homme et répond ainsi à la question de l’homme qui lui demande où il est quand il est frappé par le mal. Cette maturité accepte alors un cheminement, souvent parsemé par des angoisses déchirantes, des tempêtes.
En des moments de tempêtes, il faut alors maintenir vive la question : qui est-il, celui-ci ? (Mc 8,41) sans prétendre une réponse définitive. La grandeur de l’homme, en effet, ne réside pas beaucoup dans les réponses qu’il peut trouver, plutôt dans la capacité infinie de poser la question. La question ne ferme jamais, comme le font les réponses. C’est pourquoi, de son initiative, Jésus invite toujours à passer à l’autre rive : on n’est pas encore arrivé. Traversons ! Les tempêtes ne manqueront pas, mais passons à l’autre rive quand-même. Engageons-nous, n’ayons pas peur !
La question invite toujours à la recherche et à ouvrir de nouveaux horizons, au-delà de la rive, par rapport aux tempêtes qui sont multiples autour de nous et en nous : sans parler des conflits internationaux, des crises internes aux pays, pensons aux drames qui menacent la vie de notre entourage : divorce, chômage, accident de travail, maladie, deuil,…. Pour les uns ces événements seront source de révolte ; pour d’autres au contraire : occasion de réflexion, d’intériorisation, de conversion. Comment réagissons-nous lorsque des personnes de notre voisinage se débattent contre des vents contraires ? Prenons-nous prudemment nos distances ? Ou avons-nous le courage de leur proposer notre aide ? C’est en effet à travers cette disponibilité et cette proximité bienveillantes que nous leur permettons d’entrevoir le visage d’un Dieu proche, présent à leurs côtés malgré l’apparent abandon du ciel.
« Tu m’invites Seigneur à passer sur l’autre rive, à vaincre mes craintes, à m’engager au service de mes frères, à vaincre mes sécurités et mes habitudes mauvaises… Et voici les tempêtes : les moqueries, les échecs et rechutes, les peurs de perdre les assurances… Tu dors Seigneur, je bats seul…cela ne te fait rien ? Tu te lèves, tout s’apaise : je balbutie l’Evangile, mais c’est Toi qui parle aux hommes auxquels je m’adresse avec tant de maladresses et d’incohérences personnelles… je tombe, ton pardon me relève, ta croix me rassure, ton Esprit éclaire mes doutes et mes objections…Comment se fait-il que je n’ai pas de foi ? Merci Seigneur, maintenant je sais que tu es là, au plein milieux de nos tempêtes calme, serein… Merci de l’assurance de ta Parole. »
[…] au voyage, c’est-à-dire à être toujours prêts à embrasser la nouveauté de Dieu. Déjà, Jésus invite ses disciples à passer à l’autre rive, à se déplacer, ce qui peut figurer le changement intérieur des idées. Les habitants de Capharnaüm […]
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