Le fait de dominer et de soumettre les hommes a été et reste une tâche difficile. Les tyrans le savent plus que quiconque, puisqu’ils passent tout leur temps à réfléchir sur les moyens de protéger leur pouvoir afin que personne ne puisse les en écarter. Il s’agit des préoccupations que Jésus n’a pas eues puisqu’il n’avait pas à conquérir un pouvoir quelconque. Il a tout reçu d’en haut, et pour l’éternité. Il n’a pas besoin de recevoir des honneurs, ni étouffer des rébellions puisque le meilleur témoignage de sa royauté est la dignité et la liberté de l’homme qu’il veut libérer du péché et le rendre à lui-même, dans une relation plus intime avec soi-même, avec Dieu et avec le prochain.
Pour ne donner qu’une illustration de cette communication que Jésus établissait avec ses interlocuteurs, afin de les faire exister au lieu de les opprimer. Par exemple, Jésus se présente à la femme samaritaine non comme quelqu’un qui donne – il a pourtant tant à lui dire et à lui offrir – mais comme un mendiant : « Donne-moi à boire… » (Jn 4,8). Rien n’est plus valorisant que de se trouver dans la position de quelqu’un qui peut donner aux autres. Parce que celui qui donne est reconnu. Avant de lui apporter quoi que ce soit, Jésus veut la faire exister. Il sait que la communication est un mouvement dynamique qui ne doit pas prendre l’allure d’un sens unique. L’autorité de Jésus: » elle ne se fonde plus sur l’être-plus du Maitre, mais sur celui disciple, car loin de faire en sorte que s’impose de l’extérieur l’être-plus du maître, elle promeut de l’intérieur l’être-plus du disciple. Le maître n’est pas, d’avance, plus que le disciple, mais il fait être plus le disciple et, par-là, dans le même temps, il prend lui-même plus d’aise dans l’être. » Retournons sur nos textes.
Dans le chapitre 7 du livre de Daniel que nous avons lu comme première lecture, l’auteur avait décrit beaucoup de puissances qui sortaient de la mer. Le Fils de l’homme, lui, provient d’en haut, puisque son Règne est la manifestation de la Justice et de la Miséricorde d’en haut. C’est donc ce Souverain que le chrétien aura comme Maître, comme nous le lisons dans la deuxième lecture.
Dans le passage de l’Evangile du jour, Jésus refuse de séparer la question de la royauté de celle de la vérité. Pour cela, son interlocuteur ne comprendra pas ses réponses, puisque son pouvoir repose sur les compromis et les l’étouffement de ce qui pourrait contredire cette autorité. L’autorité et la royauté de Jésus sont d’un autre ordre, d’une autre logique. Il s’agit d’une royauté qui libère, une royauté qui est partagée, comme le livre de l’Apocalypse l’affirme : « A lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père, à lui gloire et puissance pour les siècles des siècles ».
La royauté de Jésus est bâtie sur la vérité. Mais « qu’est-ce que la vérité ? », demande Pilate. Dans l’Evangile de Jean, la vérité est tout ce que Jésus a entendu de la part de son Père (Jn 8,40), c’est la Parole même de Dieu (Jn 17, 17) ; elle est, en somme, la révélation que Jésus fait de son Père : « la loi fut donné par l’intermédiaire de Moïse, mais la grâce et la vérité viennent par Jésus-Christ » (Jn 1,17). Sa royauté est donc différente de celle humaine puisqu’elle est celle du service et non du pouvoir, et sa base qui est la vérité porte des effets différents : si vous restez fidèles à ma parole, vous serez vraiment mes disciples ; vous connaitrez la vérité et la vérité vous rendra libre (Jn 8, 31-32).
Cette relation se nourrit et se fortifie dans la foi. La célébration de la Solennité du Christ-Roi de l’Univers est une invitation à nous lancée pour évaluer notre qualité d’écoute afin de faire nôtre sa parole. Cette relation est toujours menacée par d’autres voix qui veulent et qui peuvent se substituer à la voie du Maître. Cette solennité fête la Seigneurie de Dieu et elle a une valeur anti-idolâtrique, en mettant en question tout pouvoir qui s’absolutise.
Cette réponse du fidèle chrétien est aussi une responsabilité. « Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ». Il s’agit de l’écoute et non de la parole imposée. La persuasion conduit le fidèle à la foi. Il y a deux aspects liés : la réponse libre et la responsabilité personnelle de vivre cette parole. Qui s’y soumet n’est diminué en rien, au contraire, il retrouve sa dignité. Ainsi, l’homme devient protagoniste de la vie. On comprend alors pourquoi, après avoir accompagné une vie, Jésus disait toujours : TA foi t’a sauvé(e).
Seigneur, en ce jour où nous magnifions ta grandeur, où nous sommes tellement heureux de dire notre action de grâce, donne-nous d’abandonner toutes nos vérités, mesquines et tristes, pour embrasser la vérité, l’unique, la tienne. Viens régner dans nos cœurs, viens y fonder la paix que toi seul peut donner. Nous voulons vivre selon la loi de ton royaume, accueille-nous dans ta miséricorde, grave-la en nos cœurs par le feu de ton Esprit. Apprends-nous à ne rien retenir pour nous-mêmes, que Dieu puisse prendre toute la place en nos âmes. Nous t’acclamons et nous te choisissons, toi notre Seigneur et sauveur, toi « l’alpha et l’oméga, celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant.