Dieu nous libère du péché en convertissant notre cœur
Du retour de l’exil en Babylone, le peuple d’Israël devait expérimenter une expérience dure. Même s’ils étaient libérés de l’esclavage d’un peuple étranger, ils n’étaient pas encore totalement libres des chaines de l’injustice, de la corruption, et surtout, la pauvreté qui dérivait du fait qu’ils avaient été absents au pays pour longtemps. Il fallait tout reconstruire et en cela, des difficultés, aussi compréhensibles, ne manquent pas. Les pays qui sortent des crises et guerres en ont l’expérience. C’est dans cette perspective que le Seigneur leur promet une libération totale. En effet, ce ne sont pas les structures qui changent la situation, elles ne sont qu’un premier pas. La libération que leur promet le Seigneur s’enracinera dans le cœur des personnes qui doivent faire fonctionner ces structures. Il ne s’agit donc pas de changer de régimes, de structures sociales, politiques, ecclésiastiques même, mas de changer le cœur des hommes et femmes de notre temps. Il s’agit de s’inscrire dans une autre logique, celle que nous tracent les lectures d’aujourd’hui, que ce soient celles de la messe chrismale (qui normalement se célèbre Jeudi matin là où les circonstances le permettent) et la messe in Cœna Domini qui est célébrée le soir du Jeudi Saint.
Ce changement est ardu. S’il est facile de considérer l’œuvre de Dieu dans notre passé, comme nous pouvons nous le remémorer, il est difficile de le voir dans notre présent, puisque beaucoup de facteurs nous empêchent d’avoir une vision claire de la réalité. Bien plus difficile est encore considérer Dieu comme celui qui vient et donc quelqu’un auquel nous pouvons dédier notre vie, notre futur. Il devient alors Celui qui donne sens à notre vie, comme nous le méditons dans la 2ème lecture de la messe du matin du Jeudi Saint.
Dans les évangiles synoptiques, la prédication de Jésus commence par les appels à la conversion puisque le Règne de Dieu était proches (Mt4, 17 ; Mc1, 14-15). Luc a préféré expliciter cela d’une autre manière : la présence même de Jésus est exaucement des promesses de Dieu. Telle est la logique de l’Evangile de la messe chrismale. Et c’est à partir de ce sens que nous abordons les textes de la messe de l’institution de l’Eucharistie et du Sacerdoce (la « Messa in Cœna Domini »).
Jésus n’est pas seulement un Maître de la Parole, il est aussi Témoin.
Dans les films dramatiques dignes de leur nom, il arrive un moment dans lequel le protagoniste fait un discours touchant, qui donne le ton ou même le titre à tout le récit. La vie et la prédication de Jésus ne sont pas pourtant un film dramatique. En effet, dans les derniers instants qu’il a passé avec ses disciples, Jésus ne s’est pas contenté de leur faire une harangue formidable. Il leur a confié et demandé un engagement concret et l’a illustré d’une manière on ne peut plus éloquente : il leur donne l’exemple.
L’évangéliste Jean choisit de commencer le récit de la dernière cène de Jésus en soulignant la pleine conscience de Jésus sur ce qui allait se passer. Ceci signifie que le geste qu’il pose n’est pas un simple hasard. Alors, prendre soin de nos frères et sœurs ne signifie plus faire une bonne action que nous choisissons parmi tant d’autres possibles, cela signifie se modeler à l’image de notre Maitre. Et cela se comprend si et seulement si l’on se situe dans la logique de l’amour et de la foi.
La foi est un préalable pour comprendre le geste du lavement des pieds.
Le chapitre 13 de Saint Jean se construit autour de l’amour qui se fait service. Jésus indique l’amour comme signe crédible de reconnaissance de ses disciples (Jn13,35), un amour comme celui de Jésus qui accepte l’abaissement radicale de la croix et du don de la vie (Jn15,13).
Le geste du lavement des pieds renferme toute une valeur christologique. Pour cela, ce geste ne peut être compris que dans la logique de la foi. Ceci se remarque dans les attitudes de Judas et de Pierre. Le premier, sous l’emprise du diable, ne veut plus recevoir l’amour que Jésus lui manifeste en lui donnant la bouchée, chose qui était seulement faite pour les hôtes de marque. Voyez que nous le voyons maintenant pour les jeunes mariés quand ils échangent des fourchettes et verres de vin, chacun le donnant à l’autre.
Le second n’accepte pas que son maitre le lave puisqu’il ne comprend pas que le lavement des pieds symbolise la purification opérée par la passion du Christ. La difficulté de Pierre, comme la nôtre, de nos jours, est de reconnaître notre péché et donc que nous avons besoin d’être purifiés. La 2ème difficulté de Pierre est d’accepter le ministère messianique de Jésus et la façon dont il se réalise : un Messie souffrant et « vaincu ». On le voit surtout après la révélation de Césarée de Philippe, quand Pierre le prend en aparté pour le dissuader de ne pas aller souffrir à Jérusalem (Cfr. Marc 8,32 et parallèles). Il en ressort donc que mettre en question le lavement des pieds fait par Jésus devient la même chose que mettre en question sa mission messianique, et par conséquent se mettre dans une logique autre que celle de la foi. Augmente en nous la foi, Seigneur !
Du lavement des pieds au style chrétien de vie.
Vivre le geste du lavement des pieds ne peut être limité à être une occasion, mais doit devenir un style chrétien de vie. Toute la vie du chrétien doit être service, même quand l’on occupe des responsabilités au sein de la société ou de l’Eglise. Il faut noter que même le prêtre dépose ses parements liturgiques pour s’agenouiller et servir. Il met de côte son honneur et son rang (qu’il tient de Jésus bien sûr) pour servir.
Seigneur, Toi qui nous a réuni pour célébrer ces Saints Mystères de notre rédemption, dans lesquels, Jésus ton Fils et notre Frère, avant de se livrer librement à la mort, confia à l’Eglise le sacrifice nouveau et éternel de son amour pour nous, fais que notre participation à ces si grands mystères, nous soyons renouvelés et affermis dans l’amour qui se manifeste dans le service concret de nos frères et sœurs. Amen.