L’expérience du pardon est essentielle pour la vie du croyant pour la vie du chrétien. Même un grand roi comme David ne peut s’en passer puisque devant notre péché, il n’y a qu’une voie qui ait une issue: celle de la sincérité avec nous-mêmes, devant Dieu. C’est la même expérience dont parle Saint Paul quand il nous rappelle l’exigence de se fier à la grâce de Dieu plutôt qu’à nos mérites, selon la loi. Et ceci ne veut pas dire que la loi ne prévoyait pas de rituels de pardon et de réconciliation, mais parce qu’on pensait qu’il fallait seulement cela pour mériter la justification. Dans le même ordre d’idée, la remise de la dette dont nous parle Jésus dans l’évangile de ce 11ème dimanche ne peut être un résultat de notre mérite. C’est Dieu qui prend les devants, et c’est le même comportement de Jésus dont on nous dit qu’il parcourait les villages, allait vers les gens de toutes conditions, sans attendre que ce soit eux à venir le chercher. Devant tout cela, Nous ne pouvons que désirer ardemment une chose: se mettre au service de Dieu (comme les femmes de l’évangile) sans prétendre à quelque chose en retour. En un mot: aimer.
Un Dieu qui s’invite à la table des pécheurs.
Avec ce repas de Jésus dans la maison de Simon le Pharisien, nous pouvons apprendre tant de choses.
La première est que Jésus accepte l’invitation de ceux-là même qui ne pensent pas comme lui. Nous savons que la plupart des fois, les pharisiens lui ont tendu des pièges. Il ne se laisser pas emprisonner par des qu’en-dira-t-on, il heurte la sensibilité courante par son attitude si ouverte. Il accueille les pharisiens, se fait accueillir par eux (et ses disciples qui sont témoins des affrontements avec les pharisiens le voient), ils accueille les pécheurs et se fait inviter par eux. Il va manger chez un pécheur public comme Zachée et les pharisiens s’en scandalisent. Nous savons que même son précurseur, Jean Baptiste, qui avait parlé du châtiment de Dieu pour les pécheurs, ne comprend plus cette attitude d’accueillir et de visiter tout le monde. Est-tu vraiment celui qui doit venir ? Ou devons-nous en attendre un autre !
Deuxième chose : il visite des gens de toutes conditions, des riches comme des pauvres, bien qu’il mène une vie de pauvre. Celui qu’il a visité aujourd’hui est riche : on le constate de par son salon où l’on s’allonge sur des divans (κατεκλιτη= il se coucha à table). Nous savons ailleurs qu’il a visité les pauvres, comme cette famille de Béthanie faite de deux sœurs et leurs frères Lazare. Seigneur, donne-nous de ta liberté de ne devenir prisonnier d’aucun clan, d’aucune tendance, et de rester ouvert même à ceux qui ne pensent pas comme nous !
Troisième chose : il ne se soustrait pas aux gestes hazardés d’affection d’une femme aux mœurs légères. Celle-ci mouille de larmes ses pieds, les essuie avec ses cheveux. Une femme qui va même à dénouer ses cheveux, un geste honteux et indécent même aujourd’hui (2000 ans après !!) dans le monde juif et musulman où les femmes doivent cacher leur chevelure. Jésus sait que cette femme a besoin d’être accueillie, consolée et il accepte d’en payer le prix: le jugement de son entourage. Si cet homme était prohIl ne perd pas de vue sa mission: il est venu pour les pécheurs et non les justes.
Quatrième chose : l’équilibre humain de Jésus. Il sait apprécier ce qui est bon en chacun sans occulter ce qui ne l’est pas. Il ne rejette pas en bloc toute la personne comme nous le faisons et fermons les yeux à tout bien, par le simple motif que cela vient d’un tel : rien de bon chez… (complétez vous-mêmes). A Simon qui l’a invité, il lui reconnaît le jugement : « tu as raison ». A la femme : « elle a beaucoup aimé ». Oui, même un cœur enténébré par le mal est toujours capable d’aimer. Cependant, Jésus n’omet pas de mettre en lumière les manquements de son hôte comme il ne manque pas de souligner que la femme est pécheresse. Nous nous souvenons comment il a dit à la samaritaine (Jn4) qu’elle n’avait pas de mari, puisqu’elle avait divorcé et s’était remariée plusieurs fois. A ceci, il n’oublie pas d’ajouter que tout péché, petit ou grand, 50 ou 500, a besoin du pardon de Dieu. C’est une dette.
Dans ce seul petit tableau, tous les ingrédients sont là pour arriver au cœur de notre récit, petit mais dense (Lc 7,40-43). L’idée centrale est très simple : Personne n’est comparable à Dieu. Tous sont débiteurs devant Lui. Nous sommes tous des pécheurs qui ont besoin de pardon. Cette parabole assume des visages concrets qui sont protagonistes de ce récit : le Père est l’unique créancier auquel on doit tous. Que ce soit Simon le Pharisien, que ce soit cette femme (mets-toi dans la place que tu veux !), ils ont tous des dettes à rendre. Peu ou beaucoup, peu importe. Ils sont tous dans la même condition : des débiteurs. Nous sommes tous ainsi.
Foi, repentir, pardon et amour.
Cette parabole contraint Simon qui se présume juste à se confronter avec la femme. Ceci nous amène aux premières conclusions sur la foi. La foi dont cette femme est le modèle et par laquelle est sauvée est qu’elle accepte et reconnaît sa situation. Elle en pleure en public. Elle ne feint rien, « ntiyigirisha, ntiyikausha ». Elle paye tout les coûts et coups pour avoir le pardon. On peut la critiquer ou pas, elle n’a rien à perdre par ailleurs. Elle ne veut rien d’autre que « gagner » : le pardon.
Ce pardon n’est pas une simple remise d’une dette comme le dit la parabole. C’est une occasion d’une nouvelle vie. Plus qu’une clôture d’un bilan négatif relégué désormais au passé, c’est l’entrée dans un nouvel espace vital de renouvellement qui s’ouvre au futur.
La « non-foi » dont Simon est le modèle est la présomption de sa justice. Il peut donc regarder les autres de haut et de les condamner. Le manque de foi tue et la première victime devient soi-même puisqu’on se croit arrivé alors que non ; puis cela tue le prochain en le bloquant, en l’immobilisant dans son passé.
La foi convertit à l’amour. Par amour de cette femme qui se sent accueillie et comprise, décide d’aimer, coûte que coûte. Mais quand on croit qu’on est arrivé, que reste-t-il à faire ? Rien.
La loi et la grâce.
C’est celle-ci la conversion de logique et d’attitude dont parle Saint Paul. Son expérience personnelle de pharisien zélé lui a démontré son insuffisance à faire passer de l’observance de la loi à la disponibilité de la grâce. La loi est certes nécessaire pour connaître le bien et le mal, mais insuffisante pour faire le bien, et peut conduire au désespoir, vu l’écart entre ce que nous sommes et ce que nous devrions être. La foi en Jésus-Christ rend juste devant Dieu celui qui accepte de se jeter dans ses bras et de tout risquer, à l’image de notre brave pécheresse publique.
Alors on comprend les derniers versets de l’épisode que nous avons lu, quant à la liste des femmes qui suivent Jésus et ses disciples, les assistant dans leur ministère. Avec Jésus, elles brisent le tabou en se mettant derrière un maître (personne en ces temps n’acceptait des femmes à sa suite). La révolution évangélique est lancée, la dignité de la femme est promue (et il reste beaucoup à faire en cette direction! Et je dois dire que le Pape François vient d’élever à la dignité de fête la Mémoire liturgique de Sainte Marie-Madeleine, pour nous stimuler à penser à propos de la dignité et du rôle de la femme dans l’Eglise). Ces femmes suivent Jésus puisqu’elles reconnaissent des gestes de Dieu à leurs personnes.
Qu’il est difficile, impossible même, d’expérimenter le pardon si on n’a pas d’abord reconnu son péché ! Et qui n’expérimente pas le pardon et la miséricorde de Dieu ne peut pas devenir vrai disciple. Il n’est pas capable d’aimer puisque toute confession est d’abord confession d’amour. « La confession des péchés n’est chrétienne que si elle s’inscrit dans une confession de louange », disait Saint Augustin. Confesser nos péchés, c’est confesser l’amour de Dieu pour nous, ce Dieu dont nous devenons disciples et adorateurs, par voie de conséquence. Aide-moi Seigneur à reconnaître ma misère et à accueillir ton pardon.
[…] vendent tout ce qu’ils ont afin d’acquérir le trésor qu’ils ont trouvé. De la même de Zachée qui monte sur un sycomore car il a un grand désir de voir Jésus (Lc 19,4), notre marchand est à […]
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