«Heureux l’homme qui ne s’arrête pas sur la voie des pécheurs, et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs » : tels sont les mots du Psaume 1, dès le 1er verset. Mais voici que Jésus suscite l’indignation des « justes », c’est-à-dire les scribes et les pharisiens, puisqu’il accueille et visite tout le monde, comme je le soulignais dans les méditations antérieures. Que ce Dieu est déconcertant dans sa « conduite » avec les pécheurs ! C’était scandaleux voir un Maître comme Jésus manger avec les pécheurs (c’est-à-dire les gens d’une morale peu correcte publiquement) et les publicains (les gens d’une conduite condamnable au niveau sociopolitique). On retenait que les publicains et les pécheurs ne méritaient pas seulement le châtiment de Dieu, mais aussi devaient être isolés des « bons » afin qu’ils ne s’assoient pas ensemble comme on le dit le Psaume 1.
Malheureusement, nous continuons à mettre les gens en des groupes de « bons » (généralement les nôtres) et des « mauvais » (c’est-à-dire les autres, individuellement ou socio-politiquement). On pourrait se représenter la scène des scribes qui sont préoccupés, en se disant les uns aux autres : où irons-nous finir avec ce Maître qui accueille les pécheurs et mange avec eux ? Sûrement que Jean Baptiste n’aurait pas été pareil ! etc. Et c’est vrai ! Jean avait parlé d’un Messie qui allait balayer les mauvais et récompensé les bons. Nous savons qu’il a eu de la peine à digérer l’attitude de Jésus face l’injustice qu’il subissait dans la prison de Machéronte jusqu’à lui envoyer des messagers pour lui demander si vraiment c’était bien LUI ou qu’il fallait en attendre un autre. La réponse de Jésus au Baptiste, aux scribes et pharisiens, et à nous est claire : c’est ainsi que Dieu fait avec chacun de nous ! Il ne s’épargne pas de la fatigue d’aller chercher la brebis égarée et peut-être couchée parce qu’à bout de forces, et oubliant tout, la porte sur ses épaules et appelle ses amis pour fêter.
Aujourd’hui, Jésus nous présente des situations presque irréelles pour secouer et renverser nos logiques et nos calculs. Autrement, comment comprendre le comportement de cette pauvre femme qui n’a que 10 pièces et appelle toutes ces voisines à fêter parce qu’elle a retrouvé une pièce ? Impossible ! Jésus est en train de parler des situations humainement impossibles pour nous déranger et nous arracher à nos logiques. Avec 10 pièces déjà, on ne peut pas inviter les autres à fêter ! C’est la même chose pour le berger aux 99 brebis. Qui est ce berger qui laisserait 99 brebis dans le lieu où s’est perdue la 100ème avec le risque de trouver dispersées à leur tour les 99 qui restaient ? Nous comprenons qu’il faut alors revoir notre mode de penser.
La première lecture rapporte un dialogue entre Dieu et Moïse où c’est plutôt ce dernier qui cherche à faire prévaloir la miséricorde. Certes, la colère de Dieu est compréhensible. Le peuple qu’il a soustrait à la servitude ne se prosterne-t-il pas devant une idole inerte, ce veau d’or qui – comble de cynisme – représente l’oppresseur honni et ses dieux animaliers ? Pourtant, le Seigneur se laisse émouvoir par la courageuse supplique de Moïse. Voilà ce qui nous prépare à accueillir la parole de Jésus à travers les paraboles de ce 24ème dimanche du temps ordinaire. Dieu souffre de voir un seul pécheur s’égarer loin de Lui. Tel le berger, telle la ménagère, il va à la recherche de la brebis ou de la pièce d’argent perdue. Car «il y aura de la joie au ciel pour un seul pécheur qui se convertit ». Mais qu’est-ce qui peut mettre en fête le cœur de Dieu ? C’est d’être en mesure, à travers son Fils, Jésus Christ, de montrer sa tendresse pour les pécheurs et les égarés ; c’est de pouvoir, après les avoir longtemps cherchés, nous associer à sa joie : «Réjouissez-vous avec moi !» La conversion d’un seul d’entre nous, pécheurs, compte plus à ses yeux que la persévérance de quatre-vingt-dix-neuf justes.
Après sa libération d’Egypte, la marche du peuple hébreu à travers le désert fut pénible, entrecoupée de reniements envers son Dieu et de révoltes contre Moïse qui l’avaient entraîné là. Peuple à la tête dure, à qui le rude apprentissage de la liberté fait regretter l’Egypte où, du moins, on mangeait à sa faim, et qui troquerait volontiers son Dieu invisible contre une statue fabriquée de main d’homme. La fidélité de Moïse à son peuple est mise à l’épreuve : il pourrait s’en tirer seul, bien sûr, et le peuple, laissé à lui-même, périrait dans le désert. Mais Moïse ne se désolidarise pas de ceux qu’on il aime, fussent-ils bornés et ingrats ; il le rappelle au Seigneur dans sa prière. Qu’en est-il de moi dans mes relations avec les plus faibles, avec les pécheurs ? Ne suis-je pas celui qui juge d’en haut, qui condamne seulement ? Quelqu’un me disait qu’il ne faut jamais regarder d’en haut celui qui tombe si ce n’est pour le relever. Autrement, tu l’humilies.
Et qui n’est pas idolâtre ? Comme il est plus facile de pointer du doigt les autres en nous croyant meilleurs, en nous considérant justes comme les scribes et les pharisiens auxquels s’adresse d’abord Jésus (puis à nous) dans ces paraboles. Ne nous y trompons pas, nous pouvons tous êtres idolâtres, au moins de temps en temps. En effet, il n’y a rien de plus déconcertant que le comportement de Dieu envers nous, et surtout envers les pécheurs ou ceux que nous avons déjà « classés ». Dieu déconcerte tous, y compris les croyants. Quand on affirme seulement l’existence de Dieu, on doit par conséquent se positionner par rapport à cela, à avoir une certaine relation, à être conséquent pour peu qu’on le peut. Et rien n’est plus difficile d’entretenir une relation avec un Etre qu’on ne peut cerner, comprendre totalement. La tentation devient alors celle de nous « fabriquer » un « Dieu-à-notre-mesure », « un-Dieu-qui-nous-ressemble ». Combien de fois nous entendons (si c’est pas nous !) des gens qui critiquent l’enseignement de l’Eglise comme trop exigeant, un enseignement impossible à mettre en pratique et, par conséquent, font dire à la Parole de Dieu et à l’enseignement de l’Eglise, ce qui n’y est pas dit ?
Nous voyons ces Israélites qui remercient leur « dieu » (=le veau d’or) pour les bienfaits qu’ils ont eu de lui : « Voici ton Dieu, Israël, celui qui t’a fait sortit d’Egypte ». Et c’est vrai : ils sont sortis d’Egypte. Seulement, ils se trompent sur l’auteur de la libération Et cela arrive aussi à nous de nous attribuer des mérites qui ne sont pas notre œuvre ? Nous entendons des déclarations du genre : c’est parce que j’ai été clairvoyant, intelligent, prudent,… que je suis sorti indemne de cela ! N’eût été mon travail assidu, j’aurais échoué à cet examen ! Et nous oublions de remercier Celui qui nous donne la vie, Celui qui nous réveille chaque jour, Celui qui ne nous laisse pas seuls dans les tentations (puisqu’Il nous a promis qu’il sera avec nous jusqu’à la fin des temps). Et ainsi, nous usurpons à Dieu son œuvre, nous qui ne pouvons même pas changer la couleur d’un seul de nos cheveux ou ajouter une minute à notre vie ? Sommes-nous vraiment différents des fils d’Israël ? « Akarí mū mpéné níko kari nó mū ntāma », disent les Barundi. Pour cela, il prier les uns pour les autres, comme nous avons entendu Moïse prier pour son peuple rebelle et dont il se fait solidaire.
La prière d’intercession pour l’Église, le monde, les malades et les souffrants est une manière d’exprimer notre solidarité avec eux et de rejoindre la prière du Christ ressuscité pour tous ses frères. Préparer la prière universelle de la messe, c’est aider l’assemblée à entrer dans la solidarité de la communion des saints. M’y associer quand on la lit me fait un avec ceux pour qui on prie. N’est-elle peut-être pas une formule parmi d’autres prières de la messe, une prière dont j’attends impatiemment la fin de l’intention pour répondre sans avoir entendu ce qu’on y a dit et prié ? Combien de fois cela nous arrive-t-il de dire AMEN sans savoir le contenu de la prière ?
Un ami prêtre me racontait cette semaine comment, dans la paroisse où il était, vérifiait ceux qui suivent et ceux qui ne suivent pas. Un jour, pendant l’homélie, il s’adressa aux distraits en ces paroles : « Bavûkanyi, mwëse basúma n’ábāmbuzi muri háno mw’īsēngero, tugiré Kristu – chers mais, voleurs et brigands qui êtes présents ici à l’Eglise, vive Christ ! ». Et la réponse de pas mal des fidèles présents ne se fit pas attendre : « Ni agānzé – Qu’Il règne » ! Seuls ceux avaient bien suivi n’ont pas répondu, mais se sont mis à rire, non sans honte, qu’il en fût ainsi. Si j’avais été là, qu’est-ce que j’aurais répondu ?
Dans la 2ème lecture, nous méditons sur la transformation que le Christ a opérée en Saint Paul et qui le remplit de reconnaissance. Puisqu’il a pu toucher du doigt la générosité du Christ à son égard, son amour pour le pécheur qu’il est, la confiance qu’il a placée en lui en l’appelant à être son apôtre, comment ne pas être certain que le Christ veut et peut sauver tous les pécheurs ! Nous autres, pécheurs pardonnés et aimés, pourrions-nous refuser de faire connaître à notre tour aux autres le Christ Sauveur » ? Pécheur pardonné, écrit l’apôtre, je dois être un exemple pour les autres. O Seigneur Jésus, fais du pécheur pardonné que je suis, le signe de ta générosité et la preuve vivante que ton pardon transforme ceux qui l’accueillent !
C’est ici le nœud du problème qui fils aîné qui est resté à la maison sans y être, sans être quelqu’un de la maison. Il est resté étranger chez lui. Il ne s’est jamais senti enfant, mais serviteur pou se mériter récompense. « Voici tant d’années que je te sers ! ». Il n’a jamais partagé la joie de son Père de le voir au travail, puisque le Père pensait que tout ce qui lui appartient était aussi pour le fils aîné. Il n’a jamais pensé que le cadet était son frère puisqu’il le voit seulement comme fils de son Père et non son frère. C’est logique : celui qui prie, fait des œuvres de charité, … en attendant des récompenses de la part de Dieu ne peut pas avoir des frères et sœurs ! Il attend toujours que celui qui a péché s’humilie comme le fils prodigue était prêt à le faire. Mais le Père ne lui a pas permis de mendier sa condition de serviteur pour « mériter » des égards de son Père.
« Il fallait se réjouir avec moi… ». Chers amis, nous devons apprendre, comprendre le mot d’ordre de cette année jubilaire de la Miséricorde : « Miséricordieux comme le Père ». Nous devons partager la préoccupation de Dieu envers ceux qui s’égarent, et nous réjouir avec Lui quand ils retournent à la vie. Autrement, nous vivrons dans l’illusion de ne pas avoir besoin de nous convertir alors que c’est nous qui devons nous convertir en premier pour pouvoir accueillir les autres qui ont effectivement besoin d’accueil. Oui, il y en a ! Nous les voyons, les avons vus, qui commettent et qui ont commis des forfaits graves. Mais qi nous ne sommes pas prêts à les accueillir quand ils retournent, ou mieux, si nous ne sommes pas prêts à aller les chercher parce qu’ils se sont égarés de leur faute peut-être comme la brebis égarée, le fils cadet, en quoi sommes-nous différents ? Le pardon et la miséricorde se vivent dans la joie et la fête que nous partageons avec le Père, qui est NOTRE PERE, à tous.
[…] de la prière universelle dans nos assemblées eucharistiques (comme je le disais le semaine passée) risque de nous en faire perdre le sens. Il ne s’agit pas des formules simplement usuelles […]
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