Dans le sermon sur la montagne Jésus indique ce qu’on pourrait appeler la « constitution du christianisme». Chaque organisation, chaque pays a besoin d’une constitution, d’un système de lois et de principes directeurs qui aident les membres à entrer et rester en relation les uns avec les autres. L’Évangile d’aujourd’hui (Mt 5, 17-37) continue à nous montrer quelques-uns des éléments de cette constitution. La constitution ancienne qui assurait l’unité du peuple d’Israël n’est pas totalement abandonnée, mais Jésus montre que la nouvelle est complètement différente ; elle demande l’obéissance au niveau du cœur, et non pas tant l’obéissance à des lois extérieures.
Un règne d’amour : passer de l’extériorité rituelle à l’intériorité.
Dans la plupart des sociétés, ce que demande le législateur est l’obéissance externe à la loi. Il demande simplement de faire ce que dit la loi. Aujourd’hui, Jésus détourne son attention des actes extérieurs, pour se tourner vers la motivation intérieure derrière ces actes, vers le cœur de la Loi (Mt 15, 17-20). C’est dans le cœur qu’on réalise l’importance d’être vrai vis-à-vis de soi-même et vers les autres, plutôt que, en utilisant le nom de Dieu pour couvrir des mensonges. Par-dessus tout c’est avec un cœur renouvelé que l’amour inclura des amis et des ennemis.
Nous avons tendance à souligner l’obéissance aux règles et aux lois externes, nous considérons comme bons chrétiens ceux qui disent leurs prières, ceux qui paient la dîme de l’église, ceux qui vont à la messe et participent aux réunions de la communauté. Toutes ces choses sont bonnes et même nécessaires pour notre vie chrétienne, mais elles ne suffisent pas. C’est seulement avec des cœurs pleins d’amour que nous serons capables d’obéir à la Loi du Christ et que nous montrerons du respect pour les faibles et les exclus. C’est seulement lorsque nous allons au delà de la Loi, et que nous vivons dans l’esprit de Jésus, que nous réalisons vraiment notre appartenance à la nouvelle famille. Jésus demande à ses disciples de remonter de la lettre de la Loi à son esprit, de la pratique extérieure à l’intention profonde. Dans le même optique de cette vigueur originelle de la Loi, la première lecture appelle les croyants à la redécouvrir en choisissant entre le feu et l’eau, entre la vie et la mort.
Ce dimanche et dimanche prochain, le sermon sur la montagne complète la proclamation des Béatitudes par une série d’oppositions dont les premières nous sont proposées aujourd’hui : «On vous a dit… Moi je vous dis…. ». Les trois premiers exemples de «surpassement» que Jésus propose sont absolument significatifs et essentiels à toute vie humaine.
1) La violence, les rapports de force entre les hommes.
Jésus connaît bien le cœur de l’homme. La racine de la violence se trouve dans la colère, dans l’ire. Avant d’être dans le «geste» qui fait mal, la haine, le mépris, l’instinct de domination, pourrissent déjà le «cœur» de l’homme. La violence n’est pas seulement dans la bombe du terroriste, qui te fait horreur… elle est déjà en toi, quand tu «colères» intérieurement «contre» ceux qui pensent pas comme toi. Il ne suffit donc pas de s’arrêter devant l’homicide, mais surtout à ces coups de colères qui portent à l’injure, et peu après, sans s’en rendre compte, aux gestes irréparables. Combien de fois entendons nus : je ne voulais pas vraiment en arriver ici ! Et puis, une série de justifications : je n’ai pas fait le premier pas…c’est lui qui m’a provoqué…il n’a reçu que ce qu’il a mérité, c’est lui le fautif, je n’ai fait que réagir, … Et Dieu se porte garant de la qualité de relations : il faut te «réconcilier» avec ton adversaire. Avant de prier !
2) La sexualité, les rapports affectifs et corporels entre hommes et femmes.
La racine de l’adultère est le désir de la femme/du mari d’autrui. Le chrétien doit combattre tous les désirs intérieurs qui, par l’attraction de la beauté corporelle ou autre, poussent à considérer l’autre comme un objet à posséder et qui puisse satisfaire ses instincts, faisant passer ainsi l’amour vrai (qui se vit dans le couple) à un amour égoïste. Jésus montre le sérieux de la chose en utilisant des expressions fortes : couper sa propre main, enlever l’œil, pour signifier les sacrifices qu’ils nous faut consentir en vue de la vie éternelle. Et le choix se trouve entre nos mains puisque nous savons ce qu’il nous faut, comme nous l’avons entendu dans la première lecture.
3) La vérité et le pardon dans les rapports d’écoute et de dialogue et dans le culte.
Les rapports humains sont viciés de l’intérieur par la duplicité, la combine, le faux-semblant, la falsification, la ruse, le mensonge… la publicité, l’information trafiquée, etc.
Jésus vous invite à la vérité de nos «dialogues», de nos conversations. Inutile de chercher une garantie extérieure dans un «serment» (je te jure que je dis la vérité !). Ta parole d’homme doit avoir une valeur en elle-même : oui, si c’est oui… non, si c’est non…
Pour ce qui regarde le pardon, c’est encore très important pour notre offrande. Nous savons que nous sommes nous-mêmes quand nous sommes avec les autres. Nous sommes membres les uns des autres, nous dit Saint Paul. Ceci fait qu’il nous manque quelque chose quand nous vivons en solitaires. Nous ne pouvons plus offrir une offrande entière, alors qu’il nous manque quelque membre. Nous sommes comme paralysés, amputés. Voulons-nous offrir aux Seigneur quelque chose de partiel ? Il est vrai que nous pouvons chercher à nous réconcilier et ne pas y parvenir. Jésus nous donne ailleurs un modèle : regarder comme publicain et pharisien celui qui ne veut pas le bien. (Mt 18,15-18). Mais comment Jésus comportait-il envers eux ? Il ne les a jamais exclus, il les a accueillis et ces derniers l’ont remarqué qu’ils le suivaient, se laissaient visiter, lui ouvraient leurs cœurs.
Nous aider mutuellement à être de bons disciples du Christ.
« Si tu le veux, tu peux. » Facile à dire ! Encore faut-il par exemple soutenir le malade de l’alcool, le drogué qui cherche à se libérer ; créer les conditions de réinsertion des sortis de prison, et plus généralement épauler les enfants et les jeunes qui veulent devenir libres. Comment aidons-nous les uns et les autres à « vouloir» et à «pouvoir » ?
Dieu d’Israël, notre Dieu, la loi que Moïse a donnée en ton nom au peuple élu, ‘est l’expression de ton amour créateur et sauveur. Tu ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Tu as placé devant nous le feu et l’eau tu proposes à chacun de choisir son chemin. Éclaire-nous par ton Esprit I la suite de Jésus, apprends-nous à accomplir la Loi en t‘aimant et en aimant le prochain.