Du livre des Lévites, notre première lecture extrait le commandement de l’amour du prochain précédé de cette exhortation : «Soyez saints, car je suis saint, moi, le Seigneur votre Dieu !». En s’aimant les uns les autres, ce peuple doit savoir que c’est la solidarité nationale qui lie entre eux les membres du peuple élu qui est ici décrite : « Ton frère, ton compagnon, les fils de ton peuple » désignent en effet les seuls Israélites. Pourtant le fondement de cette solidarité n’est plus le sang ou la race, mais l’Alliance de Dieu. Parce qu’il a fait de ce peuple son peuple, Dieu lui demande d’être saint. Lorsque Jésus nous révélera la paternité universelle de Dieu, l’humanité entière sera reconnue comme le peuple de Dieu et le prochain à aimer n’aura plus de frontières.
Cette expression : ‘‘œil pour œil et dent pour dent’’ est appelée la loi du talion. Nous pourrions penser que c’est une loi très cruelle mais, en fait, elle marque déjà un progrès sur le passé, car ici l’intention est de limiter la revanche, de protéger l’offenseur d’une punition plus grande que le crime qu’il a commis. Nous lisons dans Genèse 4, 24 « Si Caïn est vengé sept fois, Lamech sera vengé soixante dix fois sept fois ». Bien que sept soit un nombre symbolique indiquant la totalité, ce texte montre que la vengeance était souvent pire que l’offense initiale ce qui est souvent le cas même actuellement.
Le passage d’Ex 21,24 (texte cité en Mt 5, 38) montre qu’il y a un progrès en comparaison avec Gn 4, 24. Ce texte impose des restrictions à la vengeance que l’on peut exiger. Le mal fait au coupable est supposé être proportionné au mal qu’il a fait. Voir ailleurs Ex 21,12-37 ; Lv 24, 7-22 ; Dt 19,21): tous ces textes apportent une limite à la punition donnée aux agresseurs. La loi empêche l’élimination du coupable au nom de la justice, simplement parce que celui qui a été agressé est plus fort que lui. C’est une justice que nous pourrions appeler, justice proportionnelle. Elle sert à apaiser la personne qui a subit un mal, et à donner une leçon au coupable. Les lois mosaïques cherchent à modérer la vengeance, mais elles ne cherchent pas à vaincre le mal par le bien. Malheureusement, l’histoire des peuples est pleine des répressions sanglantes, même à grande échelle, lorsque celui qui est plus fort est offensé. Si on en restait au moins à la loi du talion ! Malheureusement !
En allant plus loin, offrir l’autre joue, aller un mile plus loin avec quelqu’un, ou prêter à ceux qui demandent, ne sont pas des signes de faiblesse ou de résignation. Le but de ces marques d’amour inattendues est d’essayer de toucher la conscience de l’agresseur, et de lui montrer qu’une approche étalement différente est possible (1Th 5, 15). Jésus veut que nous brisions la spirale de la violence, en changeant la mentalité et le cœur de l’ennemi. Comme au karaté, au judo, chaque combattant cherche à surprendre l’adversaire par un geste inattendu, nous devons être créatif, pour surprendre positivement l’adversaire et l’amener à penser. C’est facile à dire, n’est-ce pas ? Bien sûr ! Où mettons-nous la force de la grâce de Dieu ? Peut-être que nous pensons y aller seuls ! Martin Luther King a dit : « Un œil pour un œil et tout le mondée serait aveugle.» C’est là un choix important que nous devons faire.
Dans l’Evangile d’aujourd’hui (Mt5, 38-48) sur Jésus nous propose une nouvelle attitude nous est proposée. Le disciple doit apprendre à vaincre le mal dont il est victime, non pas en infligeant un mal proportionné à ce qu’il a reçu, mais plutôt par le bien. Le disciple est invité à aimer tout le monde, amis et ennemis de la même façon, comme Dieu aime chacun sans discrimination. Jésus rattache à la loi ancienne le précepte de l’amour des ennemis. Or, cette dernière exigence heurte, non seulement nos tendances spontanées, mais aussi un certain sens de la justice et de la dignité personnelle. Pourtant, l’expérience montre que le pardon des offenses est seul capable de dénouer des situations désespérément bloquées. Jésus nous appelle à être parfaits «comme notre Père est parfait». S’efforcer d’aimer ses ennemis, et d’abord refuser de céder à l’instinct de vengeance, c’est ménager à l’agir de Dieu un espace sans lequel la vie serait finalement irrespirable.
Être fils de Dieu, imiter notre Père, c’est aussi aimer comme il aime, sans calcul. Aimer qui nous aime, aimer celui que l’on estime est chose naturelle aux hommes. Aimer notre ennemi, aimer un ingrat ou celui qui n’a rien pour attirer notre amour, c’est aimer comme Dieu aime. Encore une fois non par calcul, par pitié ou pour essayer de l’avoir. Mais parce que nous savons qu’en l’aimant il prendra du prix à nos yeux, qu’il nous sera cher comme on le dit et qu’il se révélera tel qu’il est, bien meilleur qu’il ne paraît Dieu seul sait aimer d’un tel amour créateur, mais son amour est contagieux.
Notre communauté témoigne-telle que l’amour inspiré par le Christ est capable de vaincre les tensions tribales, régionales ethniques,… de pardonner la violence tribale et les guerres du passé et d’inclure tout le monde ? C’est ce qui nous permet de savoir si nous sommes de vrais disciples de Jésus, pas simplement en parole mais en réalité.
Dieu notre Père, tu nous as fait connaître par tes envoyés l’amour sans limites dont tu aimes ta création. Tu fais lever le soleil et tomber la pluie sur les méchants comme sur les bons. Tu nous veux saints et parfaits, à l’image de ton Fils et dans le rayonnement de l’Esprit. Donne-nous la force de respecter et d’aimer même ceux qui nous font du tort. Béni sois-tu, Seigneur, pour ton inlassable miséricorde !