En ce jour où nous célébrons la Nativité de Saint Jean-Baptiste, le Précurseur du Messie, joignons nos voix à celle du Psalmiste qui reconnait les merveilles que Dieu a opérées et continue à opérer dans notre histoire, mais surtout l’œuvre extraordinaire qu’il a accomplie : la création de l’homme. Nous le chantons par le psaume responsorial de ce jour, comme nous le méditons dans d’autres psaumes (ex. : le Psaume 8). Le fait que Dieu nous connaisse jusque dans nos intimités les plus profondes doit être pour nous motif de confiance sereine, au lieu que ce soit comme ces sentiments qui nous assaillent quand quelqu’un, un inconnu surtout, dit qu’il nous connaitre quelque part seulement.
Oui, nous ne sommes pas le fruit du hasard, nous sommes fruits du projet de Dieu, de toute éternité. C’est pourquoi nous devons entrer dans cet horizon de Dieu qui ne se réduit pas aux courtes vues humaines quand nous avons la chance de regarder en avant puisque généralement, nous pleurons nos temps passés en pensant qu’ils étaient les meilleurs et que nous ne pourrions pas vivre d’autres moments merveilleux. Hommes et femmes de peu d’espérance que nous sommes !
Nous l’avons entendu dans les lectures d’aujourd’hui. Après l’expérience de la miséricorde Dieu à la famille de Zacharie et Élisabeth, ceux-là même qui se moquaient de ces pauvres (puisque la progéniture est signe de bénédictions divines), les voici qui se réjouissent avec eux et s’immiscent même dans l’imposition du nom au nouveau-né. Ils ne peuvent pas dépasser l’horizon de la famille en voulant l’appeler du nom que tous ont porté : ils sont encore dans le passé. Comme le nom indique l’identité et la mission (Izína ní ryo mūntu), ils ignorent que l’identité et la mission du petit Jean ont été pensées de toute éternité et transmis par le message de l’ange Gabriel à Zacharie.
Ne pas donner le nom de famille est riche de sens. Les noms des parents renvoient surtout au passé : « Zacharie » signifie « Dieu se souvient », « mémoire de Dieu » ; Élisabeth signifie « Dieu a promis ». Le nom de Jean c.à.d « Dieu fait grâce », « Dieu fait miséricorde » ouvre vers le futur que le peuple expérimentera en cet enfant. « Que sera donc cet enfant ?», se demandait-on l’un à autre. Sa naissance inaugure des temps nouveaux, à commencer par son père dont la langue se délie en proclamant les merveilles de Dieu : « Et toi, petit enfant, tu marcheras devant le Seigneur, et tu prépareras ses chemins, annonçant à tous qu’il leur fera miséricorde ». Ne pas porter le nom de famille signifie qu’il ne sera plus lié à sa famille, mais dédiera entièrement sa vie à une autre famille plus étendue que celle du sang, cette communauté nouvelle dont nous faisons tous partie. Avons-nous cette conscience et cette ouverture ?
Oui, des temps nouveaux s’annoncent. Il faut rompre avec nos sentiers battus et traditions aux horizons purement humains, fussent-elles vénérables. L’Esprit de Dieu n’est pas prisonnier de nos passés humiliants comme l’exil en Babylonie dont parle la 1ère lecture. Si le péché nous humilie, il sera vaincu par Celui dont Jean est le précurseur. Et Dieu ne promet pas seulement le salut seulement aux Hébreux, mais à toutes les nations. Jean en prend conscience en grandissant et se prépare au désert, écoutant la voix de Dieu pour pouvoir parler aux déserts des gens aux cœurs arides et assoiffés de paix, de sérénité, de confiance, d’espérance d’un lendemain meilleur. C’est pourquoi le Baptiste, même s’il parlera dans le désert, ce dernier ne sera plus désert puisqu’il sera affolé de personnes qui s’y reconnaissent. Autrement dit, ce désert est le leur, c’est leur vie qui est touchée. « Viens Seigneur, et nos déserts refleuriront », les déserts de nos vies ne resteront plus désertiques, mais pourront porter du fruit. Ici alors commencera un autre âge, ici commencera une autre vie. Jean devient le pont entre l’ancien et le nouveau testament, il tournera la page de l’histoire. Les gens pourront se mettre ensemble pour fêter la vie qui nait et qui ne sera plus considérée comme une menace à nos égoïsmes et notre « faux bien-être ».
En célébrant la solennité de la naissance de Jean Baptiste, nous contemplons en lui ce que Dieu a fait dans la vie de cet homme de grands contrastes: il vit dans le silence du désert, néanmoins de là il parle aux foules et, d’une voix convaincante, les invitant à la conversion; il est humble dans la façon de reconnaître qu’il n’est pas la Parole (le Christ), mais uniquement la voix, mais il ne mâche pas ses paroles et il a le courage d’accuser et de dénoncer les injustices y compris aux rois eux-mêmes; il invite ses disciples à aller vers Jésus mais ne refuse pas de parler à Hérode pendant sa captivité. Silencieux et humble, il est également courageux et intrépide même au point de verser son sang. Jean Baptiste est un grand homme ! Jésus dira de lui qu’il est le plus grand homme né d’une femme, mais il n’est que le précurseur du Christ.
Par le baptême, nous avons tous été choisis et envoyés pour rendre témoignage du Seigneur. Dans un milieu indifférent, saint Jean est un modèle et une aide pour nous tous. « Je reconnais devant Toi le prodige, l’être étonnant que je suis ». Ai-je la conviction que je ne suis pas le fruit du hasard, mais d’un Amour de Dieu qui m’a voulu parce qu’il compte sur moi ? Et l’autre avec qui je partage le cheminement, n’est-il/elle pas aussi fruit du même Amour de Dieu ? Oui, « j’ai de la valeur aux yeux du Seigneur ». Pour cela, je ne me suis pas fatigué pour rien, ce n’est pas en pure perte que j’ai usé mes forces. Est-ce que je ne me laisse pas abattre par les événements de la vie, oubliant que le Seigneur est avec moi ?
Apprenons, en ce jour de fête, à vivre les temps messianiques que la naissance de Jean-Baptiste a inauguré, des temps caractérisés par la joie partagée malgré tant de zones d’ombres qui obscurcissent les routes de nos vies. Oui, la joie chrétienne n’est pas forcément facile. Elle est le don de Celui qui nous envoie lui rendre témoignage, lui qui nous envoie comme communauté pour être la lumière des nations, pour que personne ne soit exclu de son salut. Saurons-nous nous réjouir ensemble comme les voisins et les parentés de cette heureuse famille du Baptiste ? Ne sommes-nous pas de ceux qui, au lieu de rassembler tous en vue du Royaume, en excluons certains au prix de nos caprices ? Que Saint Jean-Baptiste intercède pour nous.