Le présupposé de départ des lectures de ce 32ème dimanche est que diverses sont les situations, même inouïes, qui constituent le tissu de notre cheminement dans la foi. Ce qui pourrait sembler être insignifiant, comme une bouchée de pâte (intóre en Kirundi) ou deux piécettes d’argent peut être de grande valeur aux yeux de Dieu, alors que de gestes relativement notoires peuvent n’être qu’ostentatoires, orgueilleux. Je propose d’aborder les lectures de ce dimanche dans l’optique de la vie et du sens de la prière.
En méditant l’Evangile de Marc, aux cours des derniers dimanches, nous avions focalisé notre attention à répondre à la question « qu’est-ce que la prière » ce qui nous permettait de tirer des conclusions sur l’identité du croyant en général, et du chrétien en particulier, dans sa relation avec Dieu. En ce 32ème dimanche, posons-nous la question : à quoi sert la prière ? Donnons directement une réponse, déconcertante certes, mais que nous commenterons par la suite : il ne sert à rien de prier !
La prière est inutile puisqu’elle relève du domaine de la gratuité et non de celui de l’utile. Elle n’est pas un fitness spirituel (bien-être spirituel) nous permettant d’être plus calme et plus serein. Nous pouvons y être dérangés aussi ! Elle est plutôt un acte de donation de soi, une abandon de soi à Dieu. A travers la prière, on entre dans l’économie de l’oblation et non celle de l’échange. Mais à quoi sert la prière ? Nous y reviendrons après. Procédons d’abord à situer les actes des deux veuves de la 1ère et de la 3ème lectures. Il est intéressant de voir que Jésus met en parallèle à la veuve, non seulement les riches, mais aussi les scribes.
Des scribes, Jésus dénonce leur attitude qui utilise la religion pour faire ostentation de soi-même : premières places, salutations sur les places publiques,… Ils représentent un type de « dévotion » qui peut être une pathologie de tous les hommes/femmes religieux(ses). Ces personnes font culte d’elles-mêmes. Bien sûr, sans Dieu, cela n’est pas possible. Mais dans ce spectacle, Dieu est réduit seulement à en être spectateur, peut-être pas de première place. Ce qui indigne, c’est qu’il n’y a pas de cohérence entre ce qui est « joué » et la vie pratique : ils dévorent les biens des plus petits. Pareils aux scribes sont les riches qui viennent au temple et font montre des offrandes substantielles qui, pourtant, ne sont que du superflu. Ainsi, ils participaient à la construction du temple qui ne finissait pas depuis des années.
A quoi sert la prière?
Retournons à l’image de la veuve. Son offrande ne se remarque pas. Elle vaut trois fois rien quant aux nécessités de la construction du temple. Pourtant, Jésus attire l’attention sur ce geste. C’est la même chose pour le peu d’huile et de farine de la veuve qui accueille Elie, prophète fugitif. La prière est un acte analogue à l’offrande de la veuve. Elle n’est rien quant aux besoins de sa communauté, bien qu’elle soit tout ce qu’elle avait pour vivre.
Analogiquement, la prière est « inutile » : elle ne produit rien, n’augmente pas le rendement (j’ai parlé de la fécondité et de la productivité au mois de juillet). Elle n’accroit pas la gloire de Dieu (Préface commune IV du Missel Romain). En somme, elle n’entre pas dans la sphère de l’utile, du pratique mesurable. Elle est relation (donc qualitative et non quantitative), elle se trouve dans la sphère de la gratuité. Elle est le don de notre temps qui représente ce que nous avons pour vivre. De la même façon par rapport à nos frères et sœurs : savons-nous à tout instant du jour nous tenir dans une véritable disponibilité de cœur pour répondre à celui ou celle qui viendra solliciter notre écoute, notre attention, notre temps ?
L’ascèse du temps.
La prière consacre à Dieu ce que nous avons et qui n’est plus récupérable quand nous l’avons donné : le temps. Ce don ne vise pas prioritairement à faire quelque chose, à produire, ou bien à en obtenir quelque chose en échange. On l’offre à Dieu. D’ici, une autre considération non moins importante : la prière ne peut se réduire aux pieuses pensées que l’on a pendant qu’on fait autre chose. Ceci est bien sûr important pour réorienter chaque fois l’intention de notre agir, mais ce n’est pas suffisant. Ceci ne peut être que ce qui unifie le cours normale de notre journée, mais doit se référer un à autre temps réellement consacré à Dieu, celui de la prière où l’on est là, non pour produire ou nous agiter ici et là.
Merci, Seigneur, du temps de prière que nous passons avec toi. Permets que nous fassions l’expérience de ton amour et de ta grandeur qui s’abaisse jusqu’à notre petitesse. Que ta douceur comble notre vie de bénédictions.