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Celui qui reconnait sa pauvreté d’être et se confie à Dieu trouve le vrai bonheur.

AU FIL DU TEMPS (Articles publiés)


HomélieNous avons déjà rencontré le prophète Jérémie (voir la 1ère lecture du 4ème dimanche du temps ordinaire, le 28 janvier). La lecture de ce jour est un court poème de type sapiential qui reprend un thème souvent exprimé dans la Bible : la comparaison entre ceux qui mettent leur confiance en Dieu, les « justes » et les « impies » qui mettent leur confiance uniquement dans les valeurs terrestres. En lisant ce texte, il faut nous rappeler le sens des mots « chair » et « cœur » : la « chair » en tant que partie prise pour le tout désigne l’homme dans sa faiblesse et ses limites de créature. Le « cœur » est l’organe de la décision, le lieu de la responsabilité. Historiquement ces thèmes ont été développés à l’époque où la séduction de la civilisation grecque menaçait les valeurs de sagesse de la Thora. Le psaume 1 choisi pour ce dimanche développe le même thème que la première lecture. C’est une invitation qui nous est faite méditer aujourd’hui les valeurs l’évangile pour les vivre au quotidien. Il faut admettre notre faiblesse pour demander l’aide du Seigneur afin qu’il fortifie notre cœur en vue des décisions responsables, pour notre croissance.

Dans l’évangile que nous méditons en ce dimanche, du chapitre 5 dont nous avons lu le début dimanche dernier, nous passons au chapitre 6, verset 17. Depuis la pêche miraculeuse, il s’est passé beaucoup de choses : la guérison d’un lépreux puis celle du paralytique de Capharnaüm qui provoque une discussion sur le pouvoir qu’a Jésus de remettre les péchés, l’appel de Lévi (Matthieu) et enfin l’appel des 12 apôtres. Jésus redescend de la montagne avec les siens, entouré d’une foule nombreuse venue pour l’entendre et se faire guérir de ses maladies (versets 18 & 19 non lus dans le lectionnaire). Il ne faut pas oublier à qui s’adresse l’évangile de Luc : des chrétiens venus en majorité du « paganisme », des grecs imprégnés des valeurs de l’hellénisme. Ils sont persécutés et sans cesse tentés de revenir à leurs anciennes valeurs. Le mot « maintenant » répété 4 fois concerne non pas les contemporains de Jésus mais les destinataires de l’évangile, hier les chrétiens convertis du paganisme, aujourd’hui, chacun de nous qui vivons dans un milieu étranger aux valeurs de l’évangile et souvent hostile. Les « malheureux » ne sont pas les victimes d’une sorte de malédiction mais l’objet d’une lamentation. Le mot grec qui correspond au terme de « malheureux » évoque les lamentations que faisaient entendre les pleureuses lors d’un enterrement. Les « pauvres » sont à comprendre comme ceux qui sachant leurs faiblesses et leurs limites mettent toute leur confiance en Dieu et pratiquent la mise en commun de leurs biens. (Voir Actes 2, 42ss)

Heureux comme un arbre ! Car c’est de bonheur dont il est question aujourd’hui, avec des lectures qui nous acculent à choisir entre deux voies : le bonheur ou le malheur dans l’évangile, la bénédiction ou la malédiction dans le livre de Jérémie, le bonheur fragile pour cette vie-ci ou pour toujours selon que l’on croit ou non à la résurrection des morts chez saint Paul. Avec ces deux voies, les lectures nous révèlent que c’est par un ébranlement intégral de notre être que nous sera donné, par le Christ et à sa suite, le bonheur intégral.

Exprimons cette formule trop ramassée en quatre points, pour constituer ce que l’on pourrait appeler la quadrilogie évangélique du bonheur !
Le premier aspect : les quatre béatitudes chez Luc touchent des réalités profondes de notre vie. Avec la pauvreté, c’est notre rapport aux choses qui est concerné, c’est-à-dire à nos possessions, mais aussi à nos expériences, à notre savoir, à nos qualités. Avec la faim, ce sont, au-delà de nos besoins vitaux, nos désirs les plus profonds et ultimement celui de Dieu. Avec les pleurs, s’expriment, nos émotions profondes, souvent la souffrance indicible, par là notre rapport à la mort et notre sens de la vie. Enfin, avec la persécution, ce sont notre relation aux autres et leur reconnaissance qui sont en jeu. Notre rapport aux biens, aux autres, à Dieu, au sens de la vie, les quatre béatitudes de Luc concernent bien les fondamentaux de notre être.
Ces derniers se voient transformés, et pour cela ébranlés, par le Christ et son évangile. C’est le deuxième aspect de la quadrilogie. Saint Luc évoque des expériences négatives les concernant : expérience de la privation c’est-à-dire du manque, de la faim c’est-à-dire de l’absence, des pleurs c’est-à-dire du non-sens, de la persécution c’est-à-dire de l’incompréhension et du rejet. Il s’agit d’expériences d’ébranlement que nous avons tous vécues de manière plus ou moins radicale, qui sont en soi de l’ordre de l’échec mais qui peuvent être le chemin du vrai bonheur. « Le bonheur est un fruit du désert ». A condition qu’elles soient traversées à la suite de Jésus comme ouverture et abandon au Père.

Insistons – c’est le troisième aspect – ce chemin est celui de Jésus, qui l’a enseigné et vécu. Les béatitudes offrent une clef de lecture de la vie de Jésus. L’évangile nous le montre pauvre, lui qui n’avait pas d’endroit où reposer la tête, affamé au désert de la tentation et assoiffé de son Père qu’il recherchait dans la prière, pleurant sur la mort de son ami Lazare et sur le refus de Jérusalem, persécuté par ceux que la révélation de son Père offusquait. L’évangile nous le montre en même temps heureux, exultant de joie devant son Père qui a révélé son mystère aux petits. Comme un accomplissement, les béatitudes nous aident à contempler le mystère pascal : sur la croix, Jésus est pauvre et dépouillé de ses vêtements ; Jésus dit sa soif ; Jésus pousse son cri au Père (« Pourquoi m’as-tu abandonné ? ») ; Jésus est persécuté par son peuple et abandonné de ses disciples. De cela, la joie pascale en est l’issue.

Jésus a donc vécu les béatitudes. Il nous en montre le chemin en « descendant de la montagne » nous dit l’évangile d’aujourd’hui : non pas en escaladant des sommets vers lesquels nous aurions du mal à le suivre mais en venant à nous, pour nous faire goûter cette pauvreté promise à la joie.

Quatrième point : Jésus nous promet un bonheur intégral. La profondeur de l’ébranlement vécu sera celle du bonheur donné, car il faut avoir les mains vides et le cœur ouvert pour recevoir, il faut avoir frôlé (voire plus) le désespoir pour connaître l’espérance. De quel bonheur s’agit-il ? C’est le bonheur de la confiance de celui qui attend tout de Dieu, qui n’a plus rien à défendre, qui est tout ouvert au Seigneur. La béatitude de la « béate béance » pourrions-nous dire ! C’est un bonheur pascal car c’est un fruit de la traversée de la nuit, un bonheur reçu, immérité, gratuit, un bonheur que nul ne peut nous ravir, un bonheur que rien ne peut abattre, non pas atteindre mais abattre.

C’est aussi un bonheur intégral qui concerne notre corps. La résurrection de la chair dont saint Paul, avec une force qui est toujours d’à propos, montre qu’elle est au cœur de notre foi. Nous sommes appelés au bonheur avec tout notre corps. De là la grande dignité des corps, de tout corps, surtout là où il peut sembler menacé, que ce soit aux marges de la vie (pensons à l’embryon, aux enfants aux vieillards), que ce soit dans l’exclusion sociale (pensons aux personnes handicapées ou marginales), soit aux traitements inhumains ou dégradants (la torture, l’esclavage sexuel, la pornographie, etc).

Comment dès lors recevoir la bonne nouvelle des béatitudes ? Faisons d’abord grand cas de nos joies de pauvres. Elles peuvent paraître plus pâles que celles de la possession ou de la gloire mais sont pourtant plus profondes, plus vraies : sachons les apprécier, rendre grâce, miser dessus. Désirons ensuite être pauvres.


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