Jésus est ressuscité. Avec la mort et la résurrection de Jésus, une page est tournée, celle que Luc a exposée dans son Evangile. Son second livre, les Actes des Apôtres, s’ouvre sur une période intermédiaire de 40 jours, délai symbolique qui évoque à la fois le déluge purificateur, la traversée du désert, les tentations de Jésus, le temps nécessaire pour renaitre à une nouvelle vie (l’enfant passe dans son sein maternel 40 semaines avant de naitre !). L’ascension de Jésus signifie que tout est prêt pour que commence le temps de l’Esprit et de l’Eglise et la finale de Matthieu souligne la portée ecclésiale de l’absence de Jésus. Le ressuscité proclame le pouvoir cosmique dont il a été investi par Dieu, mais pas pour en être jaloux, mais pour fonder sa mission qu’il confie à ses disciples. Il peut maintenant affirmer ce qu’il ne voulait pas quand le diable le lui proposait au désert de la tentation: « je te donnerai tous ces règnes si tu te prosternes devant moi »(Mt4,9).Tout est-il prêt pour ces disciples ? Ecoutons les lectures que nous propose la liturgie.
Les disciples sont encore sous le choc de l’immense joie d’avoir retrouvé Celui en qui ils avaient cru, Celui qui les avait guéris, Celui qui les avait pardonnés, Celui qui avait accompli toutes les anciennes prophéties. Pour un temps, ils l’avaient perdu. La mort sur la croix l’avait englouti. Puis, après trois jours d’angoisse, il leur avait été rendu, triomphant de la mort ! Quelles fortes impressions doivent habiter leurs cœurs : le voilà ressuscité devant eux ! Pourtant, l’évangéliste dit que certains avaient des doutes (Mt 28,17). Même devant l’évidence de la présence de Jésus ressuscité, le doute demeure… Combien de doutes ne se cachent pas également en nous ? C’est ainsi qu’est fait notre cœur : même en présence de Dieu, il ne peut le reconnaître complètement. Un voile cache encore à nos yeux la réalité de Dieu. C’est le voile de la foi qui doit nous accompagner toute la vie.
Quelle réponse Jésus apporte-t-il à leurs doutes ? Apparemment, il ne leur propose aucune explication logique pour leur démontrer que c’est bien Lui qui est ressuscité et qui se tient devant eux ! Sa réponse semble même un peu hors-sujet : « Allez ! De toutes les nations, faites des disciples ! » Aller… oui, mais aller où ? Dans toutes les nations ? Mais si des doutes habitent encore les disciples… Comment Jésus peut-il leur demander cela ? Jésus le peut, car il sait mieux qu’eux que la foi se fortifie lorsqu’on la donne ! La foi grandit et s’affermit lorsqu’on médite son contenu et lorsqu’on cherche à la partager avec d’autres. Pourquoi ? Parce que la foi appelle Dieu ! Même si j’ai des doutes, surtout parce que j’ai des doutes, je suis invité à continuer à chercher des réponses, à creuser et à en parler. Ne soyons pas de ceux qui “fixent le ciel où Jésus s’en est allé”, et que les Anges doivent ramener à la réalité en leur rappelant la mission que le Seigneur leur a confiée. Surtout, qu’ils ne cherchent pas Jésus où il n’est pas. Il est de Galilée, cette province aux populations méprisées parce que mélangées, non pures, mais une terre de l’enracinement de Jésus : oui, il avait l’accent des gens du nord. Pourquoi rêvons-nous d’un autre ailleurs ? Si j’étais de cette famille-là, de ce pays, si mes voisins étaient ceux-là et non…. Jésus te donne rendez-vous dans ta Galilée, à toi !
En outre, le texte de Matthieu ne nous parle pas de l’Ascension comme un départ, mais une nouvelle forme de présence : « je suis avec vous tous les jours… ». Forts de l’espérance que nous donne son appel, et revêtus de l’onction de l’Esprit, puissions-nous ne pas faire mentir la prophétie prononcée par notre Maître bien-aimé : “Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre”. C’est ainsi que l’Église est parvenue à faire entendre le message de Jésus-Christ dans les endroits les plus reculés de la terre. Ne pourrais-je pas commencer à en parler, juste autour de moi ?
En accueillant cette invitation sur la montagne de nos rassemblements eucharistiques où Jésus nous a ordonné de nous rendre, certes nous nous prosternons devant sa présence que nous discernons dans la foi ; mais reconnaissons humblement que « certains d’entre nous ont des doutes » quant à l’avenir de l’Eglise dans le monde de notre temps. Combien de nos contemporains se soucient du Christ et de son message ? Avec le Psalmiste nous gémissons : « Chaque jour nous entendons dire : “Où est-il ton Dieu ? » (Ps 41, 4.11). Et nous avons du mal à cacher notre scepticisme quant aux chances de succès d’une nouvelle évangélisation, dans une société qui s’est façonné ses propres idoles. C’est pourquoi la liturgie de ce jour nous invite à lire plus loin le psaume cité ci-haut, et à nous revêtir des sentiments du psalmiste qui se ressaisit vigoureusement : « Pourquoi te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi ? Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce : il est mon sauveur et mon Dieu ! » (Ps 41, 12). Certes à vue humaine nos efforts sont vains ; les apôtres eux-mêmes qui ont vu Jésus en chair et en os ont encore des doutes, mais fortifions-nous dans la foi : Dieu « a établi le Christ au-dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent, quel que soit leur nom, aussi bien dans le monde présent que dans le monde à venir. Il lui a tout soumis et il l’a placé plus haut que tout » (2ème lecture).
Que la Parole toute puissante que Dieu nous adresse en ce jour, chasse les ombres du doute et nous redonne une sainte assurance, dans la certitude que nous partageons dès à présent – dans la mesure de notre foi – le pouvoir qu’il détient au ciel et sur la terre. Nous pourrons alors répondre joyeusement à son appel, dans la certitude qu’« il est avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ».