Un jour, une maison d’une famille prit feu. Tout le monde réussit à se mettre à l’abri, excepté le plus petit des fils qui ne put sortir. Il dormait profondément. Il fut réveillé par le feu et la fumée qui le suffoquaient. Il se réveilla et se dirigea vers la fenêtre, en pleurant. C’était au 2ème étage. Le papa de l’enfant ne vit autre solution pour sauver son fils sinon celle de demander que son fils se jetât directement de la fenêtre en ses bras.
– Je ne te vois pas à cause de la fumée et des flammes ! Je ne peux donc sauter !
– Je te vois, moi, et cela suffit ! Saute vite ! Laisse-toi venir même si tu ne me vois pas !
Dans de cas pareils, ils nous arrive de faire des intégrales sur la proximité de Dieu. Je ne le sens pas proche, donc, il n’est pas là ! C’est la conclusion facile. Nous oublions que Dieu nous secours, ou mieux, partage ce que nous vivons, ce qui nous éprouve. Il n’est pas là pour tenir des discours raisonnés. Cela, il l’a pleinement réalisé en Jésus-Christ qui est venu partager notre vie, avec tout ce que nous vivons de joyeux ou de pénible. L’extrême de tout cela, c’est la mort à laquelle il ne s’est pas dérobé ; au contraire, il l’a affrontée et en a donné une nouvelle signification.
L’histoire de Job nous rappelle que le Seigneur est proche, que Dieu est présent au fond de nos abîmes. Il est bon de se le rappeler. En effet, notre souffrance peut être telle que tout le champ de notre conscience soit tout occupé par elle, au point que notre regard sur Dieu est marqué par cette souffrance. Il nous est méconnaissable. Notre souffrance défigure Dieu. On ne le voit même plus.
Que faut-il faire devant la souffrance qui frappe l’homme ? La liturgie de ce jour nous en parle en donnant des points de vue différents. Par le personnage de Job, la Parole de Dieu nous montre le comportement du vrai croyant, qui est sûr de la proximité de Dieu dont Jésus est l’image parfaite com
La première lecture nous parle de Job, un homme riche et juste qui est éprouvé par la souffrance. Il est visité par trois amis qui proposent des explications : ils sont porteurs d’une approche traditionnelle sur le mal qui est interprété comme une rétribution au péché commis, ou bien un événement a valeur didactique et éducatif. Job ne le voit pas ainsi et c’est pourquoi la douleur qu’il éprouve le pousse même à l’extrême : maudire le jour de sa naissance. En effet, la situation est telle qu’on peut rapidement et facilement, dans ces conditions, être frappé par le découragement, l’angoisse et la perte du goût de vivre. Par exemple Job, dont on mesure l’exaspération dans la première lecture, n’a eu droit qu’à l’incompréhension et à la raillerie, et ce, dans son entourage immédiat (à commencer par sa propre femme) parce qu’il ne maudissait pas le Seigneur dont on rendait responsable de tous ses maux. A la fin du livre, Dieu répond mais ne donne pas la réponse attendue par l’homme sur la question : pourquoi le mal ? Il s’agit seulement d’une manifestation de sa toute-puissance devant laquelle Job ne peut que confesser sa petitesse.
Si on lit le livre de Job en commençant par les derniers chapitres, il est donc possible de reconnaître la légitimité de la protestation de l’homme face à la souffrance. La protestation est avant tout signe de l’espoir que quelqu’un pourrait entendre le cri et accourir. Qui pourrait crier s’il n’espère pas qu’il puisse susciter une réaction tout autour ? Ensuite, il s’agit du prolongement de la relation avec le Seigneur : c’est une des modalités de « se dire » et de dire ce qu’on est en train de vivre et ainsi revendiquer une lutte qui ne se résigne pas au triomphe du mal contre l’homme et contre Dieu.
En face du mal, il est plus difficile, surtout quand on souffre soi-même, d’admettre qu’on n’a pas de réponse. Il est difficile d’accueillir avec respect cette crise et compatir, comme nous avons le cas des interlocuteurs de Job qui cherchent à expliquer, rationaliser, au lieu de compatir, admettant qu’on n’a pas toujours une explication.
Job a le sens de l’image qui touche. Il compare l’homme à un esclave qui ne subsiste que par un travail forcé, qui peine sous la charge sans qu’elle ne lui apporte de sécurité pour l’avenir ni de satisfaction pour le présent. Pourtant, au milieu de cette nuit de l’absurde, une lumière jaillit : « Souviens-toi ! », «Souviens-toi, Seigneur » ! Ce sont les premiers mots de la prière d’Israël… « Souviens-toi Israël, le Seigneur est Un ». Ce sont les mots qu’on retrouve dans bon nombre de psaumes. Au cœur de sa détresse, Job tutoie donc Dieu et lui demande de se souvenir de son amour, de son Alliance. « Souviens-toi, ma vie n’est qu’un souffle », c’est-à-dire « Seigneur, vois ma faiblesse, souviens-toi aujourd’hui car demain il sera trop tard ».
Dans une telle impasse, Job nous révèle qu’il reste toujours une issue, il existe un chemin vers Dieu, dont la porte d’entrée est notre sens inné de l’absurdité de la souffrance. Notre être qui s’insurge contre la souffrance est justement celui que Dieu atteint. Le cœur en révolte contre le mal subi est celui qui a un passé en commun avec le Bon-Dieu et qui peut lui dire dans l’intimité : « Souviens-toi de ton amour ».
C’est si rapide qu’en quelques versets de l’évangile de ce dimanche, trois lieux de rencontre avec Jésus sont proposés à notre contemplation : la maison, un endroit désert, « ailleurs ». Dans la maison de Simon et d’André, aucune parole de Jésus, mais les gestes de la proximité : il s’approche, il saisit la main, il relève. Portrait du silencieux amour dans l’intimité familiale, tableau de la vie fraternelle en communauté. Jésus est présent, silencieusement, dans les jours ordinaires, dans la monotonie du quotidien.
Au terme de l’évangile, Jésus ouvre un chemin où nous sommes tous invités à le suivre. Là est sans doute le plus grand enseignement à mettre en œuvre pour notre semaine à venir. Tout ce que Jésus a fait est destiné à être imité par ses disciples. Les demandes que nous lui adressons sont sans doute légitimes, notre attente d’être relevés comme la belle-mère de Simon est grande, mais nous ne vivrons de la joie de la résurrection que lorsque nous saurons modeler l’emploi du temps de nos journées sur cette journée ordinaire de Jésus que saint Marc vient de nous raconter. On ne peut pas vivre de lui sans vivre comme lui. Nous n’aurons sans doute pas à marcher à travers le pays ni à résister aux assauts de la ville entière, mais nous reconnaîtrons la présence du ressuscité quand à tout instant de nos journées nous serons tout tournés vers Dieu et vers nos frères, Dieu rencontré dans la prière, nos frères aidés à se mettre debout et à retrouver la dignité des fils de Dieu, la joie de servir notre maître.
« Ite, missa est ». C’est la messe. « Ouf ! C’était une belle messe. » Oui, d’accord ! Mais tout commence : Vous êtes envoyés ! Nous sommes envoyés ! Comme Jésus après la nuit de prière : « Allons ailleurs car c’est pour cela que je suis sorti. » Jésus nous porte toujours vers une destination inconnue et infinie. « Ailleurs ». Le pharisien Paul de Tarse n’aurait jamais imaginé, avant sa rencontre avec Jésus ressuscité, les chemins qui le conduiraient « ailleurs » de Jérusalem en Asie mineure, puis en Grèce, à Thessalonique, Philippes et Corinthe, et jusqu’à Rome, le centre de l’Empire. « Je me suis fait tout à tous… à cause de l’Evangile. »
Seigneur, que ton Esprit nous rende discrets et courageux quand bien même nous sommes frappés par l’épreuve. Qu’il nous apprenne à résister aux attraits morbides de toute exploitation du malheur d’autrui. Que Saint Paul nous serve d’exemple pour que nous puissions nous faire tout à tous. Ainsi soit-il.