Dieu qui vient à notre rencontre dans cette liturgie est un Dieu qui embrasse largement ! La première lecture et les premiers versets de l’Évangile du jour, nous disent quelque chose du sens de l’ouverture de notre Dieu. Il n’est pas le Dieu d’une secte, d’un cercle fermé, il est le Dieu pour tous. Il s’offre à tous. La deuxième lecture et les derniers versets de l’Évangile, nous amènent, sans transition et sans détour, à la question du mal, plus exactement à la responsabilité humaine dans cette question. Un Dieu qui embrasse largement !
Une tentation vieille comme l’humanité : celle de se croire les meilleurs, les dépositaires exclusifs de la vérité, les seuls qui font le bien. C’est une tentation qui touche les sociétés et les communautés dans leurs diversités. Même l’Eglise du Christ n’est pas épargnée, comme il en a été le cas aussi dans l’Ancien Testament. Dieu notre Père a déposé des semences du bien en toute personne créée à son image et à sa ressemblance, et ces semences peuvent toujours porter du fruit même quand on ne s’y attend pas. Dieu veut le salut de tous. C’est pour cela qu’il veut modeler notre intolérance par la réaction de Moïse qui souhaiterait que chaque Israélite soit docile à l’Esprit de Dieu et sache se gouverner et aider les autres ; même son de cloche chez le psalmiste qui reconnait que personne ne peut discerner tous ces erreurs, parce qu’il en aura toujours celles qui nous échappent et en profite pour demander pardon pour des péchés d’orgueil. Jésus donne douche froide à Jean pour ses prétentions qui risquent d’éclipser même la place du Maître : « nous avons voulu l’en empêcher parce qu’il n’est pas de ceux qui nous suivent ».
La 1ère communauté des fidèles a dû affronter ce problème, si vraiment Marc nous le présente comme important : est-il possible que quelqu’un qui n’est pas des nôtres face de vrais miracles, authentiques ? Faisons du bien quand nous ne le reconnaissons pas ? Faisant dire à Jean « parce ce qu’il n’est pas de ceux qui nous suivent », Marc nous prépare à la réponse de Jésus. Il veut nous rappeler que les chrétiens suivent Jésus puisque les apôtres et leurs successeurs ne sont que des envoyés. La vraie question donc est celle-ci : est-ce que Jésus agit et sauve en dehors de notre communauté, en dehors de l’Eglise ? Dieu écoute-t-il la prière de ceux qui n’appartiennent pas à l’Eglise ?
On peut faire un parallèle entre la première lecture et le début de l’Évangile. Dans les deux textes, des hommes religieux, Josué dans le livre des Nombres, Jean dans l’Évangile, s’adressent à leur maître respectif, Moïse et Jésus, pour lui demander de désavouer, de réprimander, des personnes : Eldad et Médad qui prophétisent en un lieu inapproprié selon Josué ; un exorciste usant du nom de Jésus alors qu’il n’est pas son disciple selon l’apôtre Jean ! Moïse et Jésus ont la même réponse. Ils ne condamnent pas la personne visée, bien au contraire ! Moïse et Jésus nous disent-là quelque chose de Dieu. Ils nous disent que notre Dieu est bien plus ouvert et généreux que nous le pensons et bien plus généreux que nous le sommes, si jamais nous nous prêtons cette qualité…
La réponse de Jésus est claire à cette requête : il ne faut pas rabrouer ces personnes. Elles appartiennent, elles aussi, au Règne et Dieu les écoute parce qu’elles ont une relation personnelle correcte avec Lui. Elles n’appartiendront pas au Règne (et donc Dieu ne leur fera pas faire des miracles) quand elles s’opposeront consciemment et délibérément à l’Eglise du Christ, par le fait qu’elle est du Christ. Elles auront renié le Christ même, connaissant qui Il est. C’est une nuance importante qu’il faut considérer. Mais le principe : « qui n’est pas contre nous est pour nous » est valable pour ceux qui n’appartiennent pas à l’Eglise à cause de beaucoup de motifs. Nous sommes appelés à reconnaitre que l’Esprit de Dieu agit quand, où et avec/en qui Il veut. Nous devons ouvrir nos horizons, dépasser nos particularismes et nos groupes restreints dans lesquels nous nous enfermons, en pensant que nous seuls pouvons faire du bien alors que les autres ne font que du mal.
L’ouverture de notre cœur pour voir le bien, même là où on ne s’y attendait pas, est plus important en ces jours où l’Eglise traverse une crise des scandales et des controverses en son sein. Jésus est trop dur envers les scandales. En effet, celui qui scandalise (c.à.d. celui qui pousse à commettre le mal) une personne faible (les enfants, les personnes faibles dans la foi, ceux qui doutent, les personnes âgées, …) commet un péché trop grave. C’est pour cela qu’il ne faut rien ménager pour nous sauver nous-mêmes et sauver tous ceux que le Seigneur met sur notre chemin. « Si ton œil…, si ta main…, si ton pied… » : l’œil indique les désirs du mal, tout ce qui nous attire et nous pousse au mal ; la main renvoie à la tendance à prendre pour posséder injustement, à dérober ou à frapper l’autre, en lui faisant du mal ; le pied souligne notre propension vers une action mauvaise. Que faut-il jeter loin de nous ? Il y en a plein : des situations, des relations, des habitudes. Comment les reconnaitre ? Nous avons besoin du don de l’intelligence spirituelle, qui est un don du Seigneur. Dieu le donne à tous, mais cette intelligence a besoin d’être cultivée, nourrie et entretenue. La parole de Dieu, les sacrements, les bons amis et les bonnes communautés, les accompagnateurs spirituels nous sont d’importance capitale. Comme communauté des fidèles, nous sommes donc interpelés. Chacun doit se sentir responsable. Comme Moïse qui institue les 72 anciens du peuple pour l’aider à servir le peuple de Dieu, ceux qui ont des responsabilités doivent aussi savoir appeler à la collaboration parce c’est cela s’ouvrir à l’Esprit de Dieu dont nous savons qu’Il souffle où et comment Il veut. Il faut beaucoup de passion pour travailler à faire le bien face aux éventuels découragements. Il faut encore plus de grandeur d’âme pour reconnaitre que le bien peut aussi se faire sans nous. Jésus réclame de nous ces deux attitudes.
Au sein de tous ces vents qui menacent les chrétiens, et surtout les responsables, le Seigneur nous demande d’être bienveillants et de reconnaitre le bien, de le promouvoir, de le soutenir. En ces jours, les prêtres, par les fautes graves de certains d’entre eux, sont sous attaque. Mais je suis encore confiant qu’il y en a plein qui continuent à leur offrir un verre d’eau (fraîche comme le dit Matthieu), et non seulement : mais aussi leur consacrer un peu de leur temps et leurs moyens pour les aider, ceux qui prient pour eux, ceux qui les conseillent, … Leur récompense est plus que sûre. Nous sommes à l’aube du mois missionnaire. Quel est mon engagement à soutenir les missionnaires du Royaume ?
Dieu notre Père, tu as envoyé ton Fils dans le monde pour rassembler tes enfants dispersés. Celui que nous confessons Christ et Seigneur s’offre à tous, mais n’appartient en propre à personne. Donne-nous ton Esprit pour que nos groupes, nos communautés, nos assemblées, … soient des lieux d’accueil et de partage, des lieux où chacun se sente compris et accepté, valorisé. Face à ceux qui te cherchent en dehors de ces murs battus, apprends-nous à bien réagir comme Moïse et Jésus, apprends-nous à reconnaitre notre indignité face à tes immenses dons dont tu nous combles sans mérites aucuns de notre part.