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La révolution de l’amour : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. »

AU FIL DU TEMPS (Articles publiés)


HomélieLa page du lectionnaire dominical que nous lisons en ce 7ème dimanche du Temps Ordinaire nous donne une mosaïque de versets qui n’est que le squelette de ce beau récit de la première lecture : il faudrait donc lire ce chapitre 26 en son entier. Ce texte a été choisi pour nous préparer à la lecture de l’évangile. « Que Saül utilise vis-à-vis de David la même « mesure » que ce dernier a utilisée vis-à-vis de lui-même, l’Oint du Seigneur». Mais l’enseignement que nous donne ce texte est beaucoup plus qu’une leçon de morale. C’est la foi de David qui est donnée en exemple. Si David ne veut pas toucher à la vie de Saül c’est parce que ce dernier est l’Oint du Seigneur. L’onction qu’il avait reçue du prophète Samuel fait de lui un être sacré. On ne touche pas à ce qui est sacré… Il faut nous rappeler que les mots : « messie » (hébreux), « christ » (grec) et « oint » (français) ont le même sens : ils désignent celui qui a reçu de Dieu une onction en vue d’une mission. Jésus a reçu l’onction de l’Esprit Saint au jour de son baptême, il a été fait « messie » ou « christ ». De même, nous aussi au jour de notre baptême nous avons reçu l’onction avec le saint chrême. Nous sommes devenus des « chrétiens » ou des « christs » ; nous participons à la triple mission du Christ : prêtre, prophète et roi. Nous sommes sacrés. Nous méritons du respect de notre vie. Nous devons respecter la vie des autres. On ne peut y attenter impunément!

Nous y voici donc! Nous continuons notre cheminement avec la lecture de ce chapitre de l’évangile de Luc qui nous donne une autre version du discours inaugural de Jésus selon St Matthieu (chapitres 5 à 7). Seul le Christianisme affirme haut et fort l’amour des ennemis. C’est Luc rapporte ces mots de Jésus sur la croix : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (chapitre 23, 24) et le même pardon accordé par Étienne à ceux qui le lapident (Actes7, 60). A leur suite nombreux seront les martyrs qui agiront de même. La vie selon l’évangile est beaucoup plus qu’une morale : elle est une vie selon l’Esprit de Jésus, Esprit auquel nous participons par la grâce du baptême. Saint Paul disait aux Galates hier et à nous aujourd’hui : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (voir Galates 2, 20). Et l’obligation m’est faite, qui est une obligation d’amour, d’être miséricordieux envers mon prochain, c’est parce que Dieu est miséricordieux envers moi….

Affirmer sa liberté pour s’affranchir du cercle vicieux du mal n’est cependant pas la seule exigence de l’amour. Il faut encore venir au secours du frère qui a cédé à la violence et l’inviter à communion fraternelle. Jésus appelle cela « tendre l’autre joue ». Par ce geste, Jésus ne nous invite pas à réclamer une nouvelle manifestation de violence ; il attend de nous que nous reconstruisions la fraternité. Tendre l’autre joue consiste à exposer une vulnérabilité volontaire, à découvrir la confiance née de l’amour, à montrer que rien ne pourra affecter la charité. Tendre l’autre joue consiste à dire au méchant qu’il est reçu comme un frère parce qu’il l’est. Ses actes ne détruisent pas l’image (l’empreinte) de Dieu en lui, ils peuvent seulement l’éclipser. L’acte de violence est désamorcé de l’intérieur par un geste d’abandon confiant. Seule la confiance peut conduire à l’amour.

En d’autres termes : il faut que nous soyons les premiers à sortir de l’engrenage du mal de la violence. Comme au karaté, il faut déconcerter et surprendre l’adversaire par un geste auquel il ne s’attendait pas, afin qu’il se rende compte qu’en agissant comme il le faisait, il se trompait effectivement. « Aca ahîndura umukényūro », sinon, en nous laissant imposer les règles de jeu par notre adversaire, nous ne sortirons jamais du cercle de la violence, puisque « le feu attire le feu », disent les militaires. Quelle serait la beauté d’une compétition (match de football par exemple) dont les équipes font exactement la même chose, usant exactement des mêmes stratégies? Quelque part, il doit y avoir des surprises!

Avec l’appel à l’amour des ennemis, nous écoutons ce qui constitue probablement le cœur de l’évangile, son sommet ; une hauteur sublime qui nous fascine autant qu’elle nous déroute voire nous agace ou nous décourage. C’est bien ici la révolution opérée par Jésus dans le champ des relations humaines et dans le domaine social. Révolution ô combien exigeante et souvent mal mise en œuvre car mal comprise. Avant de chercher à mieux saisir le sens de la révolution initiée par Jésus, il faut nous défaire de ses contresens qui ont eu et ont encore parfois des conséquences dramatiques.

L’initiative de l’amour doit alors être menée à son terme : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent ». Jésus ne se contente pas de dénoncer notre système d’équivalence dans la vengeance et dans la violence, il entend que nous renoncions aussi à notre système d’équivalence dans le bien. L’amour ne s’établit pas sur la reconnaissance des similitudes, il ne grandit pas par réciprocité. L’amour procède d’un don gratuit reposant sur une altérité irréductible. Celui qui est à aimer n’est pas le même, il est l’autre ; il n’est pas celui qui est proche, mais celui dont on se rend proche. Ailleurs, Jésus dira : celui dont on se fait le prochain.

Cependant, Jésus ne renonce pas à nos distinctions. L’autre n’est pas toujours un ami ; il peut être un ennemi. Il est important de le souligner et de ne pas considérer, au nom de notre christianisme, que tous les hommes sont nos amis. L’objectivité de la Parole de Dieu l’emporte sur les bons sentiments. Nous avons des ennemis ; c’est un fait. Reste à bien comprendre qui sont-ils et que nous veulent-ils.  Quand la première les Saintes Écritures parlent des amis et des ennemis, il faut d’abord comprendre que ce ne sont pas nos ennemis personnels, mais des ennemis de Dieu, des ennemis du projet de Dieu qui veut sauver tous : « Comment ne pas haïr tes ennemis, Seigneur, … je le hais d’une haine parfaite et je les tiens pour mes propres ennemis » (Psaume 139, 19 et 21). Cette haine signifie alors le refus de leurs projets, de leur idéologie. Qu’en est-il de « mes » ennemis ? A vrai dire, le sont-ils parce qu’ils s’opposent au projet de Dieu ou tout simplement parce qu’ils s’opposent à mes intérêts, à mes calculs mesquins !!!!

Nous avons donc à faire un autre pas : aimer et prier pour nos ennemis. Oui, Jésus nous dit qu’il faut aimer nos ennemis. Et nous, qui avons l’art d’édulcorer l’évangile, nous disons : je n’ai pas d’ennemis,… Oui, il nous faut accepter cette lumière crue et violente que Jésus projette sur l’existence humaine marquée d’inévitables conflits. Ne nous y trompons pas: toute personne qui ne me ressemble pas, au fond, m’agresse, m’atteint. « Ce-en-quoi-l’autre-est-différent-de-moi » me met en cause, ce « caractère différent du mien « m’énerve, ou bien s’il est admirable, me pousse à la jalousie,… N’attends pas donc demain et fais ce que Jésus te dit : prie, nominalement, pour ceux qui t’énervent, ceux qui te font du mal, qui suscitent en toi la jalousie, ceux que tu n’aimes pas ou qui ne t’aiment pas. « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».

« Jésus, quand tu as été giflé par le serviteur du grand prêtre, tu n’as pas tendu l’autre joue, mais tu as réclamé justice ; réquisitionné pour porter ta croix, Simon a accepté de marcher à tes côtés ; dépouillé de tes vêtements au pied de la croix, tu t’est laissé faire. Comment comprendre et vivre tout cela Seigneur, si tu ne m’y aides ? Que me demandes-tu Seigneur pour aimer comme Toi, sans pour autant devenir un souffre-douleur ? Seigneur, viens à mon aide !


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