« Loué sois-tu Seigneur pour ceux qui pardonnent par amour pour toi » (Saint François d’Assise)
Aujourd’hui, tout au début de la liturgie, l’Église dit: « Nous suivons le Seigneur ». La « sequela » du Christ demande, comme premier pas, de nous réveiller de la nostalgie pour être authentiquement des hommes, et ainsi de nous réveiller pour Dieu. Elle demande également que l’on entre dans la cordée de ceux qui montent, dans la communion de l’Église. Dans le « nous » de l’Église nous entrons en communion avec le « Toi » de Jésus-Christ et nous rejoignons ainsi le chemin vers Dieu. En outre, il est demandé que l’on écoute la Parole de Jésus-Christ et qu’on la vive.
La Croix fait partie de la montée vers la hauteur de Jésus-Christ, de la montée jusqu’à la hauteur de Dieu. De même que dans les événements de ce monde on ne peut pas atteindre de grands résultats sans renonciation et un dur exercice, le chemin vers la vie, vers la réalisation de la propre humanité, est lié à la communion avec Celui qui est monté à la hauteur de Dieu à travers la Croix. La croix du Christ est donc l’expression de ce que signifie l’AMOUR et la MISERICORDE.
Jésus n’a pas raconté l’amour que Dieu nous porte ; il est lui-même l’amour du Père, il est celui qui n’a pas reculé devant la mort, confirmant ainsi combien il se fiait et se donnait à l’homme jusqu’aux conséquences extrêmes. Le dimanche des rameaux nous demande d’y réagir. Nous pouvons y répondre en utilisant les mots de Pierre : « je ne le connais pas » (Lc 22,57) ou bien celles du centurion romain qui a dit : « vraiment, cet homme était juste » (Lc 23,47)
Jésus cloué au bois entre deux bandits prie pour ses persécuteurs. Il brise ainsi le cercle vicieux du mal en ne condamnant personne. Sans dénier notre responsabilité face au mal commis, il ouvre un chemin de salut à quiconque veut bien porter comme lui sa souffrance sans la rejeter sur autrui. C’est pourquoi, sur le chemin de sa Passion, Jésus ne veut pas de notre compassion, mais il espère notre conversion à la mission de serviteur. Lorsque les femmes se lamentent sur lui (23,27), il les invite à considérer plutôt leur propre malheur et celui de leurs enfants (23,28). Quant à lui, il se sait pleinement vivant comme le bois vert et n’a nul besoin de leurs plaintes. Après cette remise en place, il entre dans le silence (Is 53,7) : « Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. »
Il ne répond rien à la raillerie des témoins (23,35-38) : « sauve-toi toi-même et nous aussi ! » L’un des deux autres suppliciés (23,39-43) reconnaît la royauté du serviteur au sein de son humiliation et
interpelle son compagnon révolté. Le bon larron s’identifie à la non-violence de Jésus et prononce cette prière bouleversante : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume ! » Comme Jésus, cet homme accueille sa souffrance sans la rejeter sur autrui. Il ne sombre pas non plus dans la culpabilité. Il désire simplement accéder à cette royauté qu’il pressent en Jésus. Jésus accueille sa prière par un solennel ’amen’ : aujourd’hui même, tu partageras ma royauté ! Solidaire de Jésus dans sa crucifixion, le larron devient avec lui libre à l’égard de cette rancune qui nous attache à ceux qui nous font mal. Il n’est pas question ici d’innocence ou de culpabilité, de victime ou de bourreau, car le récit se situe au-delà du clivage entre le bien et le mal. Jésus ne cherche pas de responsables : « Ils ne savent pas ce qu’ils font. » Seul le pardon inconditionnel libère du mal injuste en laissant aller librement ceux qui nous ont fait souffrir sans rien leur demander en échange.
De la première lecture, nous avons l’image du serviteur souffrant ne devrait pas susciter ni la pitié, ni la compassion, mais un grand sens de force et de courage. L’origine de cette force est Dieu lui-même, devant lequel la vraie misère se révèle être celle des bourreaux.
Dans l’Evangile de ce jour, un contraste sidérant traverse tout le texte : d’une part, le monde qui entoure Jésus, un monde dans lequel le mal semble avoir le dernier mot ; d’autre part, la capacité de Jésus lui-même de continuer à adresser à ceux qui lui sont proches, des mots de miséricorde. C’est le cas du regard de Jésus à Saint Pierre après le chant du coq. Si on n’est pas dans la logique de la miséricorde, le regard de Jésus devient accusateur (je te l’avais dit !!). Loin de là. Il s’agit plutôt
d’un regard de pardon et d’amour. Pour cela, les pleurs de Pierre ne sont pas un regret amer de celui qui a peur de la punition, mais un repentir qui demande miséricorde.
Un autre épisode est celui de Barrabas, qui s’était rendu coupables des actes de rébellion et d’homicide. Jésus cloué au bois entre deux bandits, prie pour ses persécuteurs. Il brise ainsi le cercle vicieux du mal en ne condamnant personne. Sans dénier notre responsabilité face au mal commis, il ouvre un chemin de salut à quiconque veut bien porter comme lui sa souffrance sans la rejeter sur autrui. C’est pourquoi, sur le chemin de sa Passion, Jésus ne veut pas de notre compassion, mais il espère notre conversion à la mission de serviteur. Lorsque les femmes se lamentent sur lui (23,27), il les invite à considérer plutôt leur propre malheur et celui de leurs enfants (23,28). Quant à lui, il se sait pleinement vivant comme le bois vert et n’a nul besoin de leurs plaintes. Après cette remise en place, il entre dans le silence (Is 53,7) : « Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche ». Il ne répond rien à la raillerie des témoins (23,35-38) : « sauve-toi toi-même et nous aussi ! » On vient de libérer celui qui ôte la vie et à sa place, on condamne celui qui donne la vie. Puisque le Sauveur est tué, l’assassin est sauvé. On se rend donc compte que la passion de Jésus est efficace même avant sa mort. C’est le même cas de ce voleur qui était sauvé par Jésus.
Ainsi, méditer le texte de la passion n’est possible et profitable pour nous que si nous nous mettons dans cette logique de la miséricorde. En effet, la passion a été bel et bien acceptée par Jésus, comme on le comprend de par sa prière dans le jardin des oliviers. En dehors de cette logique, la mort de Jésus devient un suicide, ou bien Jésus devient un bel exemple de cohérence morale.
Le Jésus que nous présente Saint Luc est un Jésus qui révèle un Dieu de tendresse et de pitié, venu sauver ce qui était perdu. Sur la croix, Jésus dira : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font »; « En vérité je te le dis, AUJOURD’HUI, tu seras avec moi dans le paradis » en s’adressant au bon larron ». Si Jésus est mort librement c’est bien parce qu’au cœur de Jésus brûlait un immense amour et pour ce Dieu qu’il appelait « son Père » en ajoutant « qu’Il est aussi notre Père » et aussi pour tous les hommes ses frères. Le royaume dont il rêvait était un royaume où chacun aurait sa place, un monde juste et fraternel. Par ses paroles comme par ses actes il remet aussi en cause l’ordre social établi. Il heurte ainsi de front les autorités religieuses et politiques. Pour elles, il était devenu un homme dangereux. Il a voulu dire la Vérité, il a été mis à mort ! Mais en le ressuscitant d’entre les morts, Dieu son Père lui donna raison et nous confessons aujourd’hui qu’en Jésus Dieu est venu partager notre vie pour nous partager sa Vie, faire de nous des fils et des filles de Dieu, tous solidaires. Il est bon au seuil de cette semaine sainte de nous le rappeler.
Un autre aspect est plutôt un clin d’œil pour nos entreprises humaines qui peuvent aussi être peccamineuses. Après la dernière cène, Jésus est arrêté et est « transmis » de main en main pour l’interrogatoire, le jugement et la condamnation. Autour de lui, on convoque des conseils de nuit, on échange des messages, on établit des accords. Les réseaux sociaux et les nouvelles techniques auraient facilité et précipité « l’affaire » si cela s’était passé dans notre époque! Dans ces ténèbres nocturnes, les gens réussissent à créer une « sorte de solidarité » dans le mal. Même Hérode et Pilate qui, jusque-là ne s’entendaient pas, deviennent comme des amis (Lc 23,12). Le mal est entrain de déformer les choses. Même le baiser qui est originellement signe d’affection et d’amitié, devient un signe de trahison. Attention alors quand bien même l’on serait ensemble avec d’autres. Attention pour les gestes que nous posons. Ils peuvent avoir toutes /plusieurs interprétations, plusieurs sens.
Mettons-nous à la suite de Jésus. Entrons avec lui à Jérusalem, mettons-nous dans cette logique de l’amour et de la miséricorde pour apprendre de lui, et recevoir de lui toutes les grâces qui découlent de la source et le sommet de la vie chrétienne : la Pâque de Jésus, sa passion, sa mort et sa résurrection qui illuminent d’une nouvelle lumière le sens des Ecritures et le sens de notre vie. En effet, Jésus assume ainsi la vocation du serviteur et nous invite à le suivre sur ce chemin de salut. Simon de Cyrène est le premier à être engagé dans cette voie (23,26). Il aide Jésus à porter la Croix parce que c’est aussi sa croix. En assumant à la suite de Jésus le mal que nous avons subi sans rancune, ni jugement, nous renvoyons les autres à leur propre liberté. En unissant silencieusement notre propre souffrance à celle de Jésus, nous sommes en mesure de pardonner comme lui et de communiquer la force libératrice de ce pardon. Nous devenons ainsi acteurs du salut apporté par le Christ au monde en brisant le cercle vicieux de la souffrance subie et reproduite. Le pardon donné dans le silence du cœur nous fait entrer dans le Royaume tout en priant pour ceux qui en ignorent encore le chemin. « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »