
« Vous serez mes témoins ». C’est à nous de faire l’histoire puisque l’Ascension est la plus grande manifestation de confiance donnée aux hommes par le Christ.
La solennité que nous célébrons aujourd’hui vient 40 jours après Pâques. Pourquoi 40 ? Revisitons les Saintes Écritures:
Le chiffre 40 vient beaucoup de fois dans la Bible.
– Les 40 jours de Jésus au désert (Mt 4,2)
– Les 40 jours de Jésus avant l’Ascension(Ac 1,3)
– Les 40 jours donnés aux Ninivites (Jonas 3,4)
– Les 40 jours de Moïse sur le Sinaï (Exode 34,28)
– Les 40 jours du déluge Gn 7,17)
– Les 40 années des Israélites en marche vers leur pays Canaan (Deutéronome 8,2 ou Exode 16,35)…
Les récits de Saint Luc à propos de l’Ascension
Saint Luc est le seul à nous avoir donné une description de l’Ascension. Il l’a fait à travers deux récits, que nous venons d’écouter, l’un à la fin de son évangile et l’autre au début du livre des Actes des Apôtres. Nous devons comprendre que le but de Luc n’est pas de décrire l’événement mais de donner un enseignement spirituel et théologique. Arrêtons-nous à l’évangile que nous venons de lire. Lorsque les deux disciples d’Emmaüs reviennent à Jérusalem en grande hâte, ils y trouvent les Onze et leurs compagnons et compagnes montés de Galilée à Jérusalem pour la Pâque. Soudain Jésus vient au milieu d’eux et leur adresse les paroles que nous venons d’entendre. Il leur rappelle les prophéties sur la mort et la résurrection du Messie et il les appelle à en être témoins. Puis il les « emmena au-dehors jusque vers Béthanie ». Jésus les fait sortir [de Jérusalem], il les conduit dehors, hors de la ville, jusque vers Béthanie. Là il les bénit, et tandis qu’il les bénit « il se sépara d’eux ». Trois actions de Jésus nous disent ce que le mystère de l’Ascension nous fait vivre : sortir, bénir, se séparer.
1. Sortir : l’Ascension est une invitation à sortir. La Bonne Nouvelle de la Résurrection nous fait sortir de nos maisons et de nos églises dans la rue « pour proclamer la conversion à toutes nations en commençant par Jérusalem. » C’est le précepte missionnaire. Luc raconte dans le livre des Actes des apôtres comment ce programme énoncé par Jésus, le Vivant, se réalise sous la conduite de l’Esprit Saint.
2. Bénir : Jésus « levant les mains, les bénit ». Nous vivons chaque jour de cette bénédiction du Seigneur. Tout baptisé est appelé à être une bénédiction et à bénir (CEC 1669) et la bénédiction exprime le mouvement de fond de la prière chrétienne (CEC 2626). Sommes-nous des hommes et des femmes qui bénissent ? Notre existence se déroule-t-elle dans un heureux climat de bénédiction ?
3. Se séparer : « Jésus se sépara d’eux et il était emporté au ciel ». Durant sa vie terrestre Jésus a toujours présent à l’esprit son départ. Il fait tout pour préparer ses disciples à l’absence qui sera l’achèvement de sa venue. Après ses miracles, ses discours et ses guérisons, il s’esquive, il s’en va, il se dérobe. La disparition de Jésus est essentielle à son mystère. Si je n’éprouve pas son absence, je ne peux pas savoir ce qu’est sa venue. C’est pourquoi notre amitié avec Jésus est toujours une mise à l’épreuve. Le désir que nous avons de lui est le signe même de sa présence qui sans cesse nous échappe. L’incessante disparition du Seigneur est le moyen par lequel s’exprime notre confiance en lui.
Sortir, bénir, se séparer: secret de la joie parfaite. Lorsque se réalise le départ de Jésus, nous nous attendrions que les apôtres soient déconcertés et tristes. Au contraire, « ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. » La joie du Ressuscité les envahit. L’Ascension de Jésus auprès du Père et notre entrée dans sa joie ne forment qu’un seul mystère.
Sortir pour crier! Mai, en sommes-nous capables?
Les lectures qui nous sont proposés nous ramènent chaque fois à la dimension pratique de la vie chrétienne. Allez ! Criez ! Quand nous lisons le verset 14 qui précède immédiatement le texte que nous propose la liturgie de ce jour, nous sommes frappés par la rapide évolution des choses : « Jésus se manifesta aux onze, il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur, parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité » (Mc 16,14). Comment se fait-il qu’on passe d’un tel reproche à un envoi solennel et universel ? Une telle évolution devrait nous parler droit au cœur : nous n’avons pas à nous attarder sur nos doutes et nos tergiversations jusqu’à oublier Celui qui nous envoie et auquel rien n’est impossible.
Jésus bouscule ses apôtres, prend l’initiative de leur faire confiance, bien qu’ils soient imparfaits encore. En effet, la fécondité de la mission ne se laisse pas enchainer par nos déficiences. Ce que Jésus nous demande, c’est de proclamer, crier (Κηρυσσειν) cette joyeuse nouvelle à toute la création. Nous n’avons pas le devoir de convaincre, mais de faire en sorte que les personnes veuillent croire. Pour cela, nous devons être les premiers destinataires de ce que nous annoncerons, en le vivant allègrement. Un certain athée disait qu’il se sent confirmé dans ses choix chaque fois qu’il voit un chrétien triste et aigri alors qu’ils (les chrétiens) disent qu’ils sont sauvés ! Comment alors sommes-nous porteurs de cette bonne nouvelle ?
Mission difficile qui pourrait nous terroriser.
Non seulement cette mission, mais aussi ceux que nous rencontrons et qui nous accusent de fuir les réalités présentes. Aujourd’hui, la parole de Dieu nous invite au réalisme de la vie sans pour autant inciter à oublier l’horizon eschatologique auquel nous tendons. Les hommes de Galilée ne doivent « pas en rester là » à regarder les cieux, mais doivent directement s’engager à la mission. Ce n’est pas pour rien que Jésus ne leur apparaît pas à Jérusalem, mais dans la Galilée, lieu historique où tout est parti. Dieu est présent dans notre histoire, dans notre quotidien pour le transformer. La fête de l’Ascension n’est plus alors une Fête des adieux et de l’absence de Dieu, mais la célébration de la présence. Il s’agit d’engager une bataille constante contre le mal sous toutes ses formes (chasser les démons), dépasser les divisions causées par le péché, en référence à Babel (parler de nouvelles langues, surtout celle de l’amour qui dépasse tous les clivages et soupçons).
Effet, l’évangélisation doit avoir une dimension universelle, dans ses modalités comme dans ses langages. La mission des disciples sera aussi de partager et diffuser l’expérience de la miséricorde de Dieu qui sauve les pécheurs (les serpents de Nombres 21) ; ils guériront les malades puisque évangéliser signifie aussi prendre soin de l’humanité blessée par tant de maux et par conséquent, fragile. Toutes ces actions, nous les retrouvons dans l’action de l’Eglise où le Christ se manifeste, surtout dans son action sacramentelle.
« Seigneur, puisque tu veux nous confier une mission, tu ne nous laisseras pas seuls : tu nous as promis l’assistance de l’Esprit Saint à chaque instant. Seigneur, accorde-moi d’ouvrir ma porte quand je l’entendrai frapper. Sa voix et ses conseils témoigneront de toi auprès de celui qui t’attend peut-être même inconsciemment ».