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« Il vit, et il crut » que selon les Ecritures, Jésus devait ressusciter des morts.
Essayons de recevoir ce récit avec l’innocence d’une première écoute. L’évangéliste précise le cadre temporaire : « le premier jour de la semaine ». Il ne s’agit pas d’une semaine parmi les autres, faisant simplement suite à la précédente, mais de « la » semaine. De quelle semaine unique pourrait-il bien s’agir ? Si nous nous souvenons que Saint Jean commence son Prologue comme une nouvelle Genèse, nous pressentons qu’il s’agit du premier jour de la nouvelle création. Quel est le sens que nous donnons à nos dimanche ? Ne sont-ils pas peut-être considérés comme le 7ème jour, le sabbat, jour de repos après toute une semaine de travail ? Le dimanche véritablement chrétien inaugure et imprègne tous les jours de la semaine (voir sur certains calendriers, bien faits selon moi !). Le sabbat était la clôture d’un passé (le 7ème jour), le dimanche ouvre sur un futur (le premier jour). La semaine inaugurée par le résurrection du Christ durera « jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). C’est le temps au sein duquel Jésus rencontrera tous ceux qui cherchent un sens à leur vie par-delà leur mort. Notre vie tend-t-elle vraiment vers cela ?
Ce jour s’est déjà levé lorsque Marie-Madeleine se rend au tombeau « de grand matin », sans doute pour s’y recueillir et laisser libre court à son chagrin. Mais même si le soleil a commencé sa course, il n’a pas encore chassé l’obscurité de la nuit ; l’évangéliste précise en effet qu’« il fait encore sombre ». Marie-Madeleine n’est toujours pas sortie de l’ancien monde ; elle n’a pas encore pris conscience de la nouveauté advenue, pas plus que nous d’ailleurs : le chapitre 19 de saint Jean se termine en effet sur le récit très sobre de l’ensevelissement de Jésus dans un tombeau neuf ; puis chacun se retire, à cause de la « Préparation », sous-entendu de la fête pascale. Dans la pénombre de l’aurore, Marie-Madeleine ne voit rien, si ce n’est que « la pierre a été enlevée du tombeau : On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis ».
A y regarder de plus près, ce verset nous réserve deux surprises : nous nous attendions à ce que Marie-Madeleine exprime son angoisse devant la disparition du « corps » de son Maître défunt, c’est-à-dire de son cadavre ; or elle parle de l’enlèvement « du Seigneur » comme s’il s’agissait du rapt d’un vivant. Signe d’un deuil qui n’est pas encore accompli ? Ou pressentiment que l’amour ne peut pas mourir ?
Deuxième surprise : le pluriel de l’aveu d’ignorance : «nous ne savons pas où on l’a mis». Il est peu probable que Marie-Madeleine utilise un pluriel de majesté. Etait-elle accompagnée d’autres femmes dont l’évangéliste n’a pas jugé nécessaire de faire explicitement mention ? Peut-être. Mais accueillant le récit tel qu’il nous est livré, il nous semble plutôt entendre, à travers la voix de Marie-Madeleine, l’écho de l’aveu d’ignorance qui résonne tout au long du quatrième Evangile : « nous ne savons pas » qui est cet homme, d’où il vient, par quelle autorité il enseigne, chasse les démons et accomplit les signes et miracles qu’on lui attribue. Marie-Madeleine semble jouer ici le rôle du chœur dans les tragédies grecques, qui prononce à haute voix l’avis du grand nombre. (Pour culture, on saura que c’est William Shakespeare, avec la progression des courants individualistes, qui commence à mettre sur scène des personnages qui parle en disant « JE ». Avant on utilisait le « nous »). La mention de l’incise « nous ne savons pas » est un indice important dans notre récit, car il suggère que le lieu mystérieux où se trouve le Seigneur n’est pas accessible par des moyens d’investigation simplement humains : il ne se dévoilera qu’aux yeux de la foi. Pour combler le manque au niveau du «savoir», il faut accepter de croire, c’est-à-dire de s’ouvrir à une autre perception des événements, que Saint Jean désigne par le terme «voir» (Cfr méditation sur le récit de l’Aveugle-né).
Marie-Madeleine n’en reste cependant pas à un simple constat : bouleversée par la disparition de son Seigneur, elle court vers ceux qui sont supposés savoir : Simon-Pierre et l’autre disciple, qui est qualifié d’une façon toute particulière : «celui que Jésus aimait». Il est évident que le Seigneur aimait tous ses disciples ; cette précision suggère plutôt que celui-ci avait répondu d’une façon toute particulière à l’amour du Maître, si bien qu’il lui était uni plus étroitement.
Nos deux apôtres se mettent eux aussi en mouvement, parcourant le trajet inverse de Marie Madeleine, dont le récit ne nous dit pas qu’elle les accompagne : nous la retrouverons plus tard près du tombeau ; pour le moment elle disparaît de la scène, comme si son rôle n’avait consisté qu’à informer les disciples de la disparition du Seigneur de ce monde ancien, disparition qu’elle interprète comme un « enlèvement ».
Pierre et l’autre disciple se hâtent donc sur les lieux pour constater les faits. Si les deux compagnons sont côte à côte pour ce qui est du constat de l’absence du corps, dans la recherche du sens de l’événement, « l’autre disciple » précède Pierre, comme la suite du récit le confirme. Sobrement, l’évangéliste suggère, à partir de la différence du comportement extérieur, la différence d’attitude intérieure des deux personnages.
Pierre, sans hésiter, entre dans le tombeau et fait un constat rigoureux de la disposition du « linge qui couvrait la tête et du linceul». Il se meut toujours dans l’ancien monde, celui où « il fait encore sombre », et où il ne peut que prendre acte de l’absence troublante du corps du Seigneur. L’autre disciple, celui qui était «arrivé le premier au tombeau», n’entre pas tout de suite ; il «se penche», geste qui ressemble à une prosternation, et «contemple le linceul resté là». Son regard illuminé par l’amour, scrute l’invisible et «voit» ; il pressent la présence cachée au creux de l’absence. Ce n’est qu’alors qu’il entre lui aussi, mais il ne pénètre pas dans le même lieu que Pierre. Celui-ci était descendu dans un tombeau vide, symbole du monde ancien marqué par la mort et dont Dieu s’est retiré. Le disciple que Jésus aimait, lui, est entré dans le monde nouveau et dans les temps nouveaux.
Pour Simon-Pierre, «la pierre a été enlevée du tombeau» pour en faire sortir un cadavre. Pour l’autre disciple, elle est roulée afin de permettre aux croyants d’entrer en présence du Seigneur, dans ce lieu qui n’est plus la sépulture d’un défunt, mais le Temple du Dieu vivant.
Ne sommes-nous pas tous confrontés à cette double approche ? Comme Simon-Pierre qui pénètre en premier dans le tombeau, notre raison se saisit d’emblée de l’événement ; mais son analyse n’atteint que le phénomène, c’est-à-dire ce qui apparaît aux yeux de chair ; l’essentiel lui demeure invisible. Seul l’esprit illuminé par la foi, l’espérance et l’amour peut discerner, au cœur d’une contemplation priante, le mystère du Jour nouveau et du Monde nouveau, le mystère de la nouvelle création qui s’annonce, le mystère de la présence du Vivant qui vient combler notre attente.
«Aujourd’hui, Dieu notre Père, tu nous ouvres la vie éternelle par la victoire de ton Fils sur la mort, et nous fêtons sa résurrection. Que ton Esprit fasse de nous des hommes nouveaux pour que nous ressuscitions avec le Christ dans la lumière de la vie ».
Alléluia! Il est ressuscité comme il l’avait dit. Alléluia! Alléluia! Amen!
Frères et sœurs, en cette nuit qu’illumine la splendeur du Christ ressuscité, nous sommes invités à célébrer notre propre passage de la mort à la vie. En appelant Jésus à une vie nouvelle, Dieu n’a pas annulé ni banalisé sa mort humaine, il en a plutôt changé la signification. La résurrection de Jésus atteste que l’épreuve angoissante de la mort ouvre un passage vers la communion avec Dieu, pour qui s’est abandonné à Lui. Le mot « Pâques » désigne donc ce nouvel « exode » hors du pays de l’idolâtrie, du mensonge et de la violence, comme il en aura été pour la vie de Jésus et surtout durant son procès qui n’a pas même duré 24 heures alors qu’il a eu comme fin la peine capitale. Quelle rapidité ainsi étrangère à nos juridictions ! La résurrection que nous célébrons à Pâques accomplit dans le mystère quotidien de notre renaissance, si magnifiquement évoqué par les grands symboles de la veillée pascale : la lumière, la parole, l’eau (de baptême), le pain et la coupe eucharistique.
Pour commencer voyons comment il est mis en scène. Il y a un tremblement de terre, et l’ange ressemble à un éclair. Ce sont des signes eschatologiques, nous sommes donc à la fin des temps. De plus, l’ange est assis sur la pierre, montrant la maîtrise absolue de Dieu sur la mort, qui est le signe de l’avènement de la fin des temps.
Il porte un vêtement blanc, le même que l’on a vu briller au jour la transfiguration que nous méditions au deuxième dimanche du Carême. Sa descente du ciel est le mouvement même de l’Esprit Saint lors du baptême de Jésus. Ces éléments montrent que toutes les théophanies de l’évangile sont convoquées. Mais l’ange lui-même est un rappel. Nous l’avons connu en effet au début de l’évangile. Cet ange qui vient nous orienter vers la Galilée, est celui est descendu à Nazareth annoncer la venue du Sauveur à un certain Joseph, charpentier de son état.
Mais aujourd’hui, l’ange n’est plus une figure diffuse qui parle dans un songe. Il brille. Son éclat nous dit que la résurrection est l’événement vers lequel toute l’Ecriture converge, il signifie que la résurrection est la source de la lumière qui éclaire la Loi, les prophètes et toutes les écritures. Voilà qui peut nous rendre attentifs à certaines paroles de l’ange. « Il est ressuscité comme il l’avait dit », nous dit-il. Cette scène n’est donc pas dans l’ordre de la représentation, mais dans l’ordre la foi ! Cela veut dire que ce message nécessite notre adhésion.
La résurrection nous demande une prise de position. Il nous faut choisir à quel groupe nous voulons appartenir. Celui des soldats, qui refusent de lire le signe du tombeau vide, et sont comme morts d’avoir refusé le jaillissement de la vie, ou celui des saintes femmes, qui, toutes tremblantes, accueillent le signe et la parole qui leur sont donnés. Il faut noter que l’Evangile ne décrit pas le comment de la résurrection : il faut y croire. On nous parle de l’ange qui ouvre le tombeau en roulant la pierre pour que les femmes puissent constater que le tombeau est vide : « venez voir l’endroit où il reposait ». Elles étaient en recherche devant le tombeau vide, et elles ont finalement rencontré Jésus, le Vivant.
Ainsi, si la rencontre avec Jésus est si simple, si naturelle, et presque anodine (elle ne tient que deux versets à la fin de l’évangile), c’est parce que la foi nous rend accessible les réalités que nous cherchons. « Je vous salue », dit Jésus, montrant ainsi qu’il nous a définitivement acquis la familiarité avec Dieu que nous avions perdue. Il n’est pourtant pas question de s’attarder avec le Maître, de le maintenir près de nous : il nous invite à courir annoncer la Bonne Nouvelle. « Vite » nous dit l’ange. Voilà alors comment la résurrection fonde l’Eglise. L’ange invite les femmes à vite transmettre cette nouvelle à la communauté des apôtres en déroute et dispersés par le scandale de la mort du Maître. Le Ressuscité lui-même prend la tête du groupe en les précédant au lieu du rassemblement, la Galilée des nations qui sera le départ de cette nouvelle communauté aux dimensions universelles.
Il y a urgence donc, nos frères doivent savoir, toutes nos Galilées attendent l’aurore de ce jour où l’on peut enfin crier : « Alleluia, Jésus est ressuscité ! Venez et vous le verrez ! »