Accueil » Posts tagged 'Benoit XVI'
Archives de Tag: Benoit XVI
Pape François : « J’aimerais rester dans l’Histoire comme un brave type qui a fait de son mieux » – Aleteia
Dans un entretien exclusif accordé au journal catalan La Vanguardia, le Pape répond à une vingtaine de questions, même les plus personnelles et intimes.
Au lendemain de la prière pour la paix avec les présidents d’Israël et de Palestine, le pape François a reçu Religion en Libertad avec le quotidien espagnol La Vanguardia, le lundi 9 juin au Vatican pour une longue interview exclusive. Le pape était heureux d’avoir fait tout son possible pour l’entente entre Israéliens et Palestiniens. De la persécution des chrétiens à la violence au Moyen-Orient, en passant par l’antisémitisme, le fondamentalisme, les modèles économiques, le rôle de Pie XII, la renonciation du pape Benoît XVI …le Pape a répondu à plus d’une vingtaine de questions, même les plus personnelles…
La persécution des chrétiens ne cesse de croître
Les chrétiens persécutés sont une préoccupation qui me touche de près en tant que pasteur. Je sais beaucoup de choses sur les persécutions, mais il ne me semble pas judicieux d’en parler ici pour n’offenser personne. Mais dans certains endroits, il est interdit d’avoir une Bible ou d’enseigner le catéchisme, ou encore de porter une croix… Je tiens à préciser une chose : je suis convaincu que la persécution des chrétiens est plus forte aujourd’hui que dans les premiers siècles de l’Église. Il y a plus de martyrs que par le passé. Et ce n’est pas de l’imagination, mais des chiffres.
La violence au nom de Dieu domine le Moyen-Orient.
C’est une contradiction. La violence au nom de Dieu ne correspond pas à notre époque. C’est quelque peu dépassé. Dans une perspective historique, il faut dire que, parfois, nous les chrétiens, l’avons pratiquée. Quand je pense à la guerre de Trente Ans, c’était la violence au nom de Dieu. Aujourd’hui, c’est inimaginable, n’est-ce pas? Parfois, nous arrivons, par la religion, à des contradictions très graves. Le fondamentalisme, par exemple. Les trois religions, nous avons nos groupes fondamentalistes, petits par rapport à tout le reste.
Et que pensez-vous du fondamentalisme?
Un groupe fondamentaliste, même s’il ne tue personne, même s’il ne frappe personne, est violent. La structure mentale du fondamentaliste est la violence au nom de Dieu.
Certains disent que vous être un révolutionnaire.
Pour moi, la grande révolution, c’est d’aller aux racines, de les reconnaître et de voir ce qu’elles ont à dire aujourd’hui. Il n’y a pas de contradiction entre être révolutionnaire et aller à la racine. Mieux encore, je pense que pour opérer de vrais changements, il faut savoir dans la vie d’où on vient, comment on s’appelle, quelle est sa culture et sa religion,
Vous avez brisé de nombreux protocoles de sécurité pour approcher les gens.
Je sais qu’il peut m’arriver n’importe quoi, mais c’est dans les mains de Dieu. Je me souviens qu’au Brésil, on m’avait préparé une papamobile blindée…. Mais comment voulez-vous que je dise bonjour aux gens et aussi que je les aime si je suis dans une boîte à sardines… Tout peut arriver, c’est vrai; mais, soyons réalistes, à mon âge je n’ai pas beaucoup à perdre.
Pourquoi est-il important que l’Eglise soit pauvre et humble ?
Pauvreté et humilité sont au cœur de l’Évangile et je le dis dans un sens théologique, pas sociologique. On ne peut pas comprendre l’Evangile sans la pauvreté, mais il faut la distinguer de la misère. Je crois que Jésus veut que les évêques ne soient pas des princes, mais des serviteurs.
Que peut faire l’Église pour réduire l’écart croissant entre les riches et les pauvres ?
Il est prouvé qu’avec les restes de nourriture, il y aurait assez à manger pour nourrir ceux qui ont faim. Quand vous voyez des photographies d’enfants sous-alimentés, vous avez la gorge serrée. Je crois que notre système économique n’est pas bon. L’homme doit être placé au centre de tout système économique, l’homme et la femme. Tout le reste doit être au service de l’homme. Mais nous avons placé l’argent au centre, le dieu argent. Nous sommes tombés dans le péché de l’idolâtrie, l’idolâtrie de l’argent.
L’économie est mue par le désir d’avoir toujours plus et, paradoxalement, alimente une culture de l’exclusion, de la mise à l’écart. On met de côté les jeunes quand on limite la natalité. On met à l’écart aussi les personnes âgées, considérées comme une classe passive, qui ne produit plus … Ce sont ainsi les forces vives et la mémoire des peuples qui sont mises à l’écart….
Je suis vivement préoccupé par le taux de chômage des jeunes qui, dans certains pays, est supérieur à 50%. Ce sont ainsi 75 millions de jeunes de moins de 25 ans qui seraient au chômage. Une monstruosité ! Nous mettons à l’écart toute une génération pour maintenir un système économique intolérable ; un système qui, pour survivre, doit faire la guerre, comme l’ont toujours fait les grands empires.
Comme on ne peut pas faire une troisième guerre mondiale, on fait des guerres locales. Et qu’est-ce que cela signifie? Qu’on fabrique et vend des armes, les grandes économies mondiales sacrifient l’homme sur l’autel de l’argent roi. Cette pensée unique nous enlève la richesse de la diversité de pensée et, par voie de conséquence, la richesse d’un dialogue entre personnes. La mondialisation peut être une richesse. Une mondialisation mal comprise est celle qui annule les différences […]
Le conflit entre la Catalogne et l’Espagne vous préoccupe-t-il ?
Toute division me préoccupe. Il faut distinguer les indépendances par émancipation et par sécession. Les premières, par exemple, sont celles utilisées par les Etats latino-américains. Les secondes opèrent un démembrement, qui parfois est très clair. Evidemment il y a des peuples avec des cultures si diverses que même avec de la colle il est difficile de les raccrocher. Le cas de l’ex-Yougoslavie est très clair, mais je me demande si c’est aussi clair pour d’autres peuples qui jusqu’à présent étaient unis avec d’autres. Il faut voir au cas par cas. L’Ecosse, la Padanie, la Catalogne. Il y a des cas qui seraient justes et des cas qui ne le seraient pas, mais la sécession d’une nation sans un passé d’unité forcée, il faut la prendre avec beaucoup de pincettes.
La prière pour la paix du dimanche n’a pas été facile à et n’avait pas de précédents au Moyen-Orient ni dans le monde. Qu’avez-vous ressenti ?
Vous savez que cela n’a pas été facile parce que vous étiez dans le coup. Je sentais que c’était quelque chose qui nous échappait à tous. Au Vatican, 99% disaient que ça ne se ferait pas et ensuite le 1% a augmenté. Je sentais que nous étions poussés à une chose qui ne nous était jamais arrivée et que, petit à petit, cette chose prenait forme. Ce n’était en rien un geste politique – je l’ai senti d’emblée – mais un acte religieux : ouvrir une fenêtre sur le monde.
Pourquoi avez –vous voulu aller dans l’ouragan qu’est le Moyen-Orient ?
Le véritable ouragan, en raison de l’enthousiasme soulevé, fut la Journée mondiale de la jeunesse l’an passé. J’ai décidé de me rendre en Terre Sainte parce que le président Shimon Peres m’a invité. Je savais que son mandat finissait ce printemps, aussi j’ai dû avancer mon voyage. Son invitation a précipité le voyage.
Pourquoi est-ce important pour un chrétien d’aller en Terre sainte?
Pour la Révélation. Pour nous, c’est là que tout a commencé. C’est comme “le Ciel sur la terre”. Un avant-goût de ce qui nous attend dans l’au-delà, dans la Jérusalem céleste,
Vous et votre ami le rabbin Skorka vous vous êtes embrassés devant le mur des Lamentations. Quelle importance ce geste a-t-il eu pour la réconciliation entre chrétiens et juifs?
Devant le Mur il y avait aussi mon bon ami le professeur Omar Abu, président de l’Institut du Dialogue interreligieux de Buenos Aires. J’ai voulu l’inviter. Il est ami aussi du rabbin Skorka et je les aime beaucoup tous les deux, et j’ai voulu que cette amitié entre nous trois soit perçue comme un témoignage.
Vous avez dit il y a un an que « dans chaque chrétien, il y a un juif ».
Il serait plus juste et sérieux de dire « qu’on ne peut pas être un vrai chrétien si on ne reconnait pas ses racines juives ». Je ne parle pas de juif dans le sens sémitique de race mais dans un sens religieux. Je crois que le dialogue inter-religieux doit plonger dans la racine juive du christianisme et dans la floraison chrétienne du judaïsme. Je prie tous les jours l’office divin avec les psaumes de David. On récite les 150 psaumes en une semaine. Donc ma prière est juive, et ensuite j’ai l’eucharistie, qui est chrétienne.
Comment voyez-vous l’antisémitisme?
Je ne saurais l’expliquer, mais je crois que l’antisémitisme est très lié, d’une façon générale et sans que cela soit une règle fixe, aux courants de droite plutôt que de gauche. Il y a encore des négationnistes de la Shoah. Une folie.
Vous avez pour projet d’ouvrir les archives vaticanes sur l’holocauste.
Cela apportera beaucoup de lumière.
Etes-vous préoccupé, par ce qu’on pourrait découvrir ?
Ce qui me préoccupe, c’est la figure de Pie XII, le Pape qui a dirigé l’Eglise durant la Seconde guerre mondiale. Le pauvre, ils ont tiré tous sur lui à boulet rouge. Mais il ne faut pas oublier qu’avant il était considéré comme le grand défenseur des juifs. Beaucoup se sont cachés dans des couvents de Rome et dans d’autres villes italiennes et même dans la résidence d’été de Castel Gandolfo. Dans sa propre chambre, 42 bébés de personnes juives ou d’autres réfugiés sont nés ». «Non pas que Pie XII n’ait pas fait d’erreurs, moi-même j’en fais beaucoup, mais son rôle doit être compris dans le contexte de l’époque. J’avoue avoir une sorte d’urticaire existentiel quand je vois tout le monde s’en prendre à l’Église et à Pie XII, et qu’on passe sous silence les grandes puissances. Savez-vous qu’elles connaissaient parfaitement le réseau ferroviaire des nazis pour mener les juifs dans les camps de concentration ? Elles avaient les photos. Mais elles n’ont pas bombardé les voies de chemins de fer. Pourquoi ? Il serait bon que nous parlions de tout ça un petit peu.
Vous sentez-vous comme un prêtre ou assumez-vous votre rôle de tête de l’Eglise?
La dimension de prêtre est celle qui montre le plus ma vocation. Servir les gens est ancré au plus profond de moi, comme d’éteindre la lumière pour faire des économies. Mais dans le même temps, je me sens Pape. Cela m’aide à faire les choses avec sérieux. Mes collaborateurs sont sérieux et professionnels Je suis aidé pour accomplir mon devoir. Je ne joue pas au pape pasteur. Ce serait immature. Quand un chef d’Etat vient, je veux le recevoir avec la dignité et le protocole qu’il mérite. Il est vrai que j’ai des problèmes avec le protocole, mais je dois le respecter.
Vous changez beaucoup de choses. A quoi mènent ces changements ?
Je ne suis pas un illuminé. Je n’ai pas de projet personnel, tout simplement parce que je n’ai jamais pensé qu’on allait me laisser là, au Vatican. Je suis venu avec une petite valise pour retourner à Buenos Aires, et ce que je fais, c’est mettre en œuvre ce à quoi nous les cardinaux avons réfléchi lors des congrégations générales … Ces réflexions ont conduit à des recommandations. Une très concrète a été que le prochain pape devait compter sur des conseillers extérieurs, autrement dit sur une équipe de conseillers extérieurs au Vatican .
Et vous avez créé ledit Conseil des Huit.
Huit cardinaux de tous les continents et un coordinateur. Ils se réunissent tous les deux à trois mois. Le 1er juillet, nous avons quatre jours de réunions, et nous allons opérer les changements que les mêmes cardinaux nous demandent. Ce n’est pas obligatoire, mais ce serait imprudent de ne pas écouter ceux qui savent.
Vous avez fait aussi un grand effort pour vous rapprocher de l’Eglise orthodoxe
La venue à Jérusalem de mon frère Bartolomé Ier avait pour but de commémorer les 50 ans de la rencontre entre Pablo VI et d’Atenagoras Ier. Une rencontre après mille ans de séparation. Depuis le Concile Vatican II, l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe font des efforts pour se rapprocher. Avec certaines Eglises orthodoxes, la proximité est plus grande qu’avec d’autres. J’ai voulu que Bartolomé Ier vienne avec moi à Jérusalem, et là est né le projet qu’il viendrait aussi à la prière du Vatican. Pour lui, ce fut un pas risqué. Certains pourraient le lui reprocher, ce geste d’humilité pour nous était nécessaire car il n’est pas concevable que, nous chrétiens, soyons divisés. C’est un péché historique que nous devons réparer.
[…]
Vous avez connu de nombreux chefs d’Etat.
Oui beaucoup, et la variété est intéressante. Chacun a sa personnalité. J’ai été frappé par un fait transversal entre les hommes politiques jeunes, qu’ils soient du centre, de gauche ou de droite. Peut-être parlent-ils des mêmes problèmes, mais avec une musique différente, et ceci me plaît, me donne de l’espoir, car la politique est l’une des formes les plus élevées de l’amour, de la charité. Pourquoi? Parce qu’elle mène au bien commun. ..Il y a une quinzaine d’années, les évêques français ont écrit une lettre pastorale qui est une réflexion : « Réhabiliter la politique ». Un texte précieux qui vous fait prendre conscience de ces choses.
Que pensez-vous de la renonciation de Benoît XVI ?
Le pape Benoît a accompli là un geste très grand. Il a ouvert une porte, créé une institution, celle d’éventuels papes émérites. Il y a 70 ans, il n’y avait pas de papes émérites. ? Comme nous vivons plus longtemps, nous atteignons un âge où nous ne pouvons pas poursuivre nos activités plus avant. Je ferai la même chose que [Benoît XVI], poursuit-il. Je demanderai au Seigneur qu’il m’éclaire lorsque viendra le moment et qu’il me dise ce que je dois faire. Je suis sûr qu’il me le dira..
Vous avez une chambre réservée dans une maison de retraite à Buenos Aires. Oui, dans une maison de retraite pour les prêtres âgés. Quand j’ai eu 75 ans, j’ai présenté ma démission à Benoît XVI . J’ai choisi une chambre et dit “ c’est là que je veux vivre ”. J’aurais aidé les paroisses. C’était mon avenir avant d’être pape.
Je ne vais pas vous demander pour qui vous êtes dans le Mondial …
Les Brésiliens m’ont demandé la neutralité (il rit) et je tiens ma promesse parce que le Brésil et l’Argentine sont opposés.
Comment aimeriez-vous passer à l’Histoire ?
Je n’y ai pas pensé, mais cela me plaît quand on évoque le souvenir d’une personne en disant: “ C’était un brave type, il a fait du mieux qu’il a pu, il n’a pas été si mal ”. Je suis d’accord avec cela.
Source : Religión en Libertad
Traduction d’Elisabeth de Lavigne
Le Pape François est « un fils de l’Eglise ». Marche-t-il sans l’Eglise?contre l’Eglise ?
Le fait de concentrer le regard sur un arbre bizarre et curieux dans une forêt ne devrait pas empêcher la vision de toute la forêt qui lui donne prospective, c’est-à-dire le contexte. Malheureusement, c’est ce qui arrive souvent quand le domaine de l’information se concentre sur une personne comme c’est le cas du Pape François dont on ne cesse de décrire les actes de la « révolution Bergoglio ». S’agit-il vraiment d’une révolution ? Si révolution il y en avait, comment est-elle relayée par le monde des médias ? Quelles sont les clés principales pour comprendre les services d’informations publiées à ce sujet ? Avec cette petite réflexion, j’en évoquerai deux : le conflit comme ingrédient de la nouvelle journalistique et la fonction d’Agenda.
Le conflit comme news value.
Il existe un lien profond entre le journalisme et le conflit. On pourrait même dire que les journalistes « aiment » les conflits, les oppositions qu’ils trouvent bonheur, si pas facilité à présenter la réalité en tant que conflictuelle. Conflit: mot qui fait peur, surtout qu’il est souvent associé à la guerre, aux attaques terroristes, aux coups d’Etat,… Mais le conflit est en réalité présent dans beaucoup d’autres domaines. Quand on parle des conflits, outre que nous nous mettons en place de qui en vit les effets, il y a l’attention, sinon la tension et l’incertitude pour savoir l’issue.
Quand les médias parlent des sujets complexes comme l’Eglise, ils cherchent à simplifier la réalité pour se faire comprendre de tous. De là viennent souvent des simplifications dans la focalisation des discours et la chose la plus normale est créer des binômes polarisés comme : les bons /les méchants, vainqueurs/vaincus, nous/eux, conservateurs/progressistes etc.
C’est lors dans cette optique que sont données les nouvelles de l’action du Pape François avec des titre qui riment avec celui-ci : la nouvelle Eglise du Pape François (sous-entendue en opposition à celle vieille, qui ne s’adapte plus, donc dépassée !). Le cliché est celui des bons contre les mauvais. Le Pape veut tout changer, dans cette Eglise corrompue, pendant que les membres de cette Eglise ne veulent rien faire, ne veulent pas l’aider et il marche en solitaire comme le montre cette vidéo ci-dessus. On dirait qu’il est celui qui vient d’une autre planète, d’une autre « Eglise » pour sauver l’Eglise décadente. Mais, il l’a toujours répété, il est « Fils d l’Eglise !» Ce sont par ailleurs les mêmes cardinaux qu’on taxe de « corrompus » qui ont élu ce Pape « bon, sympathique,… » Oui, il est la fleur qui a fleuri au sein de ce jardin qu’est l’Eglise. S’il fait quelque chose, c’est parce qu’il est convaincu qu’il est fils de cette Eglise.
Bien sûr, ce n’est pas le fait de la focalisation qui en soi est mauvais, mais le fait d’oublier tout le contexte qui donne sens à ce qui se trouve dans le point focal de la nouvelle. Des comparaisons de pontificats ? Oui ! Des oppositions ? NON ! Chaque Pape est élu pour répondre à une mission, toujours la même, avec des défis liés chaque fois à la conjoncture du moment. Ainsi, Benoît XVI n’est pas inférieur à François, et ainsi de suite. Mais comment alors comprendre cette popularité que son prédécesseur n’a pas eu ? Parlons d’un élément.
Le Pape François : un Agenda setter.
C’est une théorie proposée par McCombs et Shaw en 1972 et qui désigne la façon dont les préoccupations des citoyens sont structurées par les médias, surtout les médias d’information. Ce sont les médias qui, le plus souvent décident de ce dont il faut parler, avec l’influence de certaines personnes influentes de la société. Ils éliminent certains sujets au profit d’autres, et on risque de dire que ce dont on ne parle pas n’existe pas. Pourtant, si tout était normal, de quoi parlerait-on? Il faut qu’il y ait quelque chose qui sorte du normal pour faire nouvelle. Comprenez: quand on parle de quelqu’un qui a commis un scandale, cela ne doit pas nous porter à oublier qu’on en a parlé parce qu’il est sorti de la marge par rapport à beaucoup d’autres qui sont « normaux ». Ainsi choisira-t-on de parler d’un avion qui a fini hors la piste d’atterrissage. Ce qui ne veut pas dire que seul cet avion aura décollé en ce jour!
Le Pape François, après s’être gagné la confiance des gens dès ses premiers instants du pontificat, est en train d’offrir des sujets dont il faut parler. Tenez ! Il ne le fait pas à la manière des médias qui, la plupart des temps, ne réussissent pas à dire aux gens ce qu’il faut penser, étant donné a complexité de la réalité. Les médias disent souvent à quoi il faut penser, se limitant à offrir des contre-propositions pour attirer l’attention et créer la tension, comme je le disais au premier point. Le Pape François, ne dit donc pas seulement ce à quoi il faut penser, mais comment il faut affronter la réalité.
A mon avis, la différence avec son prédécesseur (pour ne parler que de celui-là) aura été que ce dernier, a trouvé un agenda déjà fixé où il fallait dire quelque chose. Pensons aux différents scandales rapportés ici et là. Il a dit comment les affronter et il les a affrontés. Maintenant, le problème n’est plus de savoir comment les gérer. On regardera par exemple la réponse du Saint-Siège aux abus contre les mineurs.
Que se passe-t-il avec le Pape actuel. Les fondements ont été posés, et ils sont clairs. Il faut donc un autre pas. De la gestion des scandales ? On sait comment les gérer ! De la transparence économique ? Il faut continuer et parachever l’œuvre initiée par Benoit XVI. Cela ne peut alors passer inaperçu, surtout que le nouveau attire toujours la curiosité et fait nouvelle.
De son talent d’Agenda Setter, il a su imposer des thèmes même au niveau international : la prédilection pour les pauvres et la lutte contre les inégalités, la paix comme victoire à la guerre, la globalisation qui doit guérir de la culture de rejet, la mondanité, le mythe de la richesse et du confort matériel, etc. Il a su fixer son Agenda, que les puissants qui avaient l’habitude de le déterminer se trouvent comme obligés à parler de cela, à venir prendre photo avec lui et répéter qu’ils partagent sa vision. Hollande a récemment dit qu’il y a convergences de vision. Obama viendra pour parler de la paix, (malgré sa détermination heureusement abandonnée de résoudre militairement la question syrienne), la lutte contre la pauvreté, etc.
Cela signifie que le Pape minimise les autres aspects de la vie de l’Eglise ? Loin de là. Le terrain lui a été bien préparé pour qu’il ne se voit pas imposé un agenda. IL dit: « cela est un problème? Oui. Mais parlons d’abord de ceci qui me semble plus urgent, de ce problème, l’Eglise a déjà dit beaucoup, et moi, comme fidèle de cette Eglise, je partage pleinement sa ligne ». Comme ça répondait-il dans son vol retour de Rio de Janeiro.
Trois pontificats, trois profils, trois types de défis,…

« On venait voir J.Paul II, on venait écouter Benoît XVI, on vient toucher François » (Card. Tauran)
En ces jours, beaucoup ont parlé des innovations que le Pape François est en train d’opérer au sein de l’Eglise, en cherchant à l’opposer à son prédécesseur comme s’il ne s’agissait pas de deux ouvriers de la même vigne du Seigneur. Faut-il savoir que le Seigneur sait susciter des pasteurs qui sachent répondre aux défis de chaque époque. En effet, le temps de l’enthousiasme de la foi qu’a vécu le Pape Jean Paul II n’est pas celui du déclin de cette enthousiasme et du relativisme caractéristique de l’époque de Benoît XVI, et bien sûr différent de celui du pape François qui a besoin d’une Eglise qui, consolidée en son identité, est appelée à aller à la rencontre du monde pour lui porter la joie de la foi qui l’anime.
Jean Paul II et l’enthousiasme de la foi en Occident.
Ce Pape a été celui de la réception du Concile Vatican II. En son temps, on vivait en occident, un enthousiasme suscité par l’aggiornamento de Vatican II, bien que cela eût porté certains groupes à voir une Eglise envahie par un esprit moderniste. Ensuite, comme défis, on aura toujours à l’esprit l’existence d’une Europe divisée politiquement en deux ! Lui même a du vivre dans environnement malsain du communisme polonais. Avec la chute du mur de Berlin, des gens commencent à croire au changement et à la force de ce pasteur. On reconnaitra les foules des jeunes dont il fallait nourrir la foi lors des rencontres mondiales (les JMJ), les voyages apostoliques et beaucoup d’écrits (encycliques, exhortations apostoliques et post-synodales, des lettres,…), tout cela pour essayer de donner forme à cette foi qui devait se frayer un chemin au milieu d’une confusion incroyable. Oui, le défi était de pouvoir canaliser les enthousiasmes suscités ici et là.
Benoît XVI, pape de (à) la parole de maître.
Compte tenu du déclin de l’enthousiasme ruiné par le relativisme, dans un monde aux « valeurs démocratiques » qui mettent au même pied d’égalité toutes les opinions, Benoît XVI sut voir, ou mieux, Dieu suscita en lui ce dont le monde avait besoin : un enseignement qui fait la part des choses. Son choix fut celui de la parole, de la prédication, de l’enseignement, du discours public. Pour ne citer que quelques exemples, on se souvient des thèmes traités par la trilogie de ses encycliques, les discours qu’il a tenus devant les parlements des pays qu’il a visité, etc. En tout cela, il a su montrer que la foi ne va pas contre les valeurs, au contraire, elle les assume et les élève en les purifiant de ce que l’humain seul ne peut réaliser. Il aura su montrer que la foi est toujours raisonnable dans ce monde. Je ne voudrais pas m’étendre sur sa préoccupation à la purification intérieure de l’Eglise dont l’image et l’identité étaient discréditées par les scandales.
François, pape dont la personnalité trace le chemin.
Les choses étant claires, il faut les mettre en pratique. Nous devons d’abord savoir que ce n’est pas le consensus de la majorité qui fait qu’une vérité soit telle, puisque la vérité possède en elle-même sa « consistance ». On connaît bien désormais ce qu’i faut savoir, la foi en cela dépendant d’une adhésion libre. Nous sommes alors e face d’un pontificat surtout pastoral. Le langage corporel, le comportement serein et simple, doux, cependant décidé du pape François est un don que Dieu a fait à son Eglise. Sa personnalité trace l’exigence d’une Eglise non autoréférentielle, étant donnée qu’elle n’est pas son propre centre, le vrai centre de tout étant le Christ ; une Eglise qui prend même de risque de sortir jusqu’à connaître des accidents de parcours ; une Eglise cohérente avec ce qu’elle est réellement : une communion ouverte à tous ceux qui veulent y entrer, fussent-ils pécheurs, faibles et non corrompus ; une Eglise qui donne sa vrai valeur au matériel. C’est pour cela que la Pape s’attèlera à en finir avec le cléricalisme, à montrer l’urgence est « d’être une Église qui trouve de nouvelles routes, qui est capable de sortir d’elle-même et d’aller vers celui qui ne la fréquente pas, qui s’en est allé ou qui est indifférent ; inviter à renoncer à une rigidité passéiste puisque celui qui aujourd’hui ne cherche que des solutions disciplinaires, qui tend de manière exagérée à la “sûreté” doctrinale, qui cherche obstinément à récupérer le passé perdu, celui-là a une vision statique et non évolutive, à savoir parler directement au peuple de Dieu en en reconnaissant l’importance et l’apport du laïcat…
Faut-il alors passer notre temps à comparer les trois pontificats en termes de bon, moins bons, etc. ? Est-ce vraiment logique de nous enfermer dans ces comparaisons comme si l’on disait aux enfants d’une même famille : ton frère est plus… (mettez-y ce que vous voulez !) que toi ? Ou bien il faut situer chaque action dans son contexte, puisque, et j’en suis convaincu, Dieu sait voir les besoins de l’humanité et y pourvoit chaque fois selon ce dont nous avons besoin.