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Humilité, amour et disponibilité pour le Maître de la mission en vue de l’efficacité et la fécondité pastorale de notre apostolat.

Nos propres scènes de pêche fondatrices.
« Garde à ton peuple sa joie, Seigneur, toi qui refais ses forces et sa jeunesse. » C’est ce que nous avons demandé à Dieu au début de cette célébration. Nous l’avons demandé car nous sommes souvent menacés par le danger de la tristesse, de l’affadissement et de l’inertie spirituelle. Le temps pascal est un moment de revitalisation de notre vie chrétienne : nous devons repartir du centre de notre foi à travers notre rencontre avec le Ressuscité. Et c’est ce que nous permet cette page d’évangile : nous sommes dans le dernier chapitre de l’évangile selon Jean et pourtant nous avons l’impression que tout commence, comme au premier jour. Les disciples reprennent leurs activités quotidiennes et Jésus appelle à le suivre. Impression de déjà-vu !… Où est donc le lieu où aujourd’hui le Seigneur vient me chercher pour m’appeler à me laisser conduire par son Esprit comme au premier jour, mais avec plus de docilité et d’humilité ? Comment le Ressuscité vient-il guérir mes hontes encore inavouées, celles que j’hésite encore à exposer à sa lumière et qui paralysent ma marche à sa suite ?

En effet, elle est étrange cette scène de pêche, avec son air de déjà-vu… On a comme l’impression que

(suite…)

Distinguer entre efficacité et fécondité pastorales. Sans Jésus, rien ne va.

ApparitionDans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, le Pape François met en garde contre une des tentations des pasteurs: celle de ne se fier qu’à leurs expertises et analyses et oublier que Jésus est le centre de la mission. Bien sûr, les analyses valent, l’expertise est importante, mais tout cela ne peut aller de soi. C’est cela qui aura été tentation de ces artisans-pêcheurs qui se fient à leur savoir-faire, mais qui se heurtent aux difficultés qu’ils n’auraient jamais averti. Même si les apôtres sont experts de la mer, ils ne prennent rien. Ils se sont fatigués pour rien (bāhângayitse). Chacun de nous a sa nuit de déceptions, malgré les efforts qu’il fournit. Nous oublions souvent que Jésus partage nos déceptions, qu’il est à la rive de notre « lac de chutes et d’échecs », souvent répétitifs.

Nous pouvons donc interpréter la pêche nocturne en Jean 21 comme la description symbolique du travail d’évangélisation – comme le confirme d’ailleurs le nombre de poissons capturés en jetant le filet de la Parole sur l’ordre de Jésus : le chiffre « cent cinquante-trois » correspond au total de sortes de poissons connues à l’époque apostolique. Ainsi donc derrière le langage symbolique de la pêche, il nous faut entendre l’annonce de la Parole, destinée à tout le monde. Cependant, contre toute attente, les efforts des disciples demeurent mystérieusement stériles. Pourtant, ils connaissent leur « métier » : n’ont-ils pas été à l’école du Seigneur lui-même ? On imagine sans peine le désarroi de ces hommes devant le refus et l’indifférence qu’opposent leurs interlocuteurs à leurs efforts d’évangélisation. Dans la première lecture, les apôtres ont été flagellés, humiliés, mais sont rentrés joyeux d’avoir été humiliés pour le Nom de Jésus. Bien qu’ils soient convaincus que Jésus est ressuscité, ils ne sont pas capables de convaincre. Que m’arrive-t-il quand je me retrouve limité devant les choses dont je pensais être maître, donc capable de transmettre ? Peut-être, découragement ! Regardons les apôtres !

Sans le Seigneur, tout perd son sens, nous nous fatiguons pour rien.

Un indice se trouve sans doute dans le fait qu’il n’est question de Jésus que dans la seconde partie du récit ; avant son apparition sur la rive au petit jour, les disciples ne font aucune référence ni au Seigneur, ni à l’Esprit Saint. C’est Simon-Pierre qui prend l’initiative de la mission, un peu comme il le faisait alors qu’il était encore marin-pêcheur. Il semble vouloir aborder la campagne d’évangélisation à la manière dont il menait ses affaires professionnelles, c’est-à-dire ne comptant que sur son savoir-faire. La conséquence ne se fait pas attendre : l’équipe est dans la « nuit » et ses efforts sont stériles.

Tout va changer dès lors que les disciples se laissent interpeller par la présence du mystérieux personnage qui les sollicite depuis le rivage. En fait « Jésus était là » ; entendons : il avait toujours été là, mais les disciples ne pouvaient le percevoir, car leur attention n’était plus focalisée sur lui. On s’imagine sans peine que devant l’échec de leurs efforts, ils ont fini par se mettre en cause et se sont tournés vers le ciel. Du coup ils ont retrouvé la lumière, et « au lever du jour », ils ont aperçu le Maître, sans toutefois le reconnaître immédiatement. La jeune Eglise fait l’apprentissage de l’écoute intérieure de l’Esprit de son Seigneur. La rencontre avec Jésus n’est toujours immédiate, elle est « médiate » (= avec intermédiaire). Il faut le rencontre par la parole comme celle qu’il adresse aux disciples (jetez le filet à droite), comme celle expliquée aux disciples d’Emmaüs. Sa présence nous est révélée par l’Eucharistie (le poisson qu’il leur prépare, le pain qu’il rompt pour nous à chaque Eucharistie). Où cherchons-nous à le rencontrer ?

Liberté des enfants de Dieu, sincérité avec nous-mêmes et humilité.

Les disciples vont à la pêche mais ne prennent rien, tant qu’ils ne pensent pas encore se tourner vers Jésus. Celui-ci leur indique quelque chose d’absurde, mais ils obéissent et leur action devient fructueuse. C’est alors que le disciple que Jésus aimait reconnaît le Seigneur en ce personnage mystérieux. A peine l’a-t-il dit, Pierre n’hésite une seconde à se jeter dans les eaux pour ce diriger vers Jésus. Ce vicaire du Christ se laisse guider par une indication du subalterne. Quand Simon-Pierre l’entendit déclarer que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau ». Le pêcheur redevient disciple en se couvrant du vêtement de la foi, qu’il avait déposé en reprenant les choses en main, et adopte l’attitude juste : il fait confiance dans un acte d’abandon de tout son être.

Que de fois dans notre histoire, les plus petits ont aidé les autorités à reconnaître le Seigneur! Combien les supérieurs hiérarchiques devront se mettre à l’écoute des plus petits qui leur dise: « c’est Jésus qui passe ». Si ces supérieurs disent :  « nous seulement, pouvons reconnaître Jésus, sûrement, ils pourront se tromper ». Souvent, dans l’Eglise, les fils provoquent la honte des pères, mais heureux seront ces derniers s’ils seront capables d’éprouver cette honte devant ce que comprennent les fils. Heureux seront ces fils s’ils feront noter le passage de Jésus, sans peur ni calculs mesquins à leurs avantages ! En effet, au plus grand pécheur (qui a renié son Maître, nous voyons Jésus lui confier la charge de prendre soin des petits (les agneaux) et des grands (les brebis), de prendre soins des forts et des faibles. Il est lui-même faible, puisqu’il n’est pas capable de donner l’amour que Jésus lui demande.

Jésus ne nous demande pas ce dont nous ne sommes pas capables de lui donner.

M'aimes-tuEn suivant le dialogue qui se passe entre Jésus, on est frappé par une chose : Jésus descend au niveau de la foi et de l’amour de Pierre. On pourrait penser qu’il lui pose la même question trois fois, mais ce n’est pas la même : elle change, mais Pierre donne la même réponse. Il est sincère. Il sait qu’il ne peut pas donner plus. Il passe de « Pierre, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » à « Pierre, m’aimes-tu » ? (sans la comparaison !) Il faut noter que le verbe utilisé (’αγαπαω = agapao=amour-charité), mais la réponse de Pierre est φιλειν =filein=amour-amitié. A la troisième fois, Jésus utilise le même verbe que celui de Pierre. Il passe de ’αγαπαs με (agapas me) à φιλειs με? ? (fileis me). L’Italien est plus précis que le français ou le Kirundi : « Mi ami ? » et Pierre répond : « Ti voglio bene » (=je te veux du bien). A la dernier fois, Jésus utilise le même verbe de Pierre, comme pour dire : j’accepte de descendre à ton niveau. Au moins, es-tu sincère de vouloir me donner tout ce dont tu es capable ? Voilà comment le Seigneur qui nous connaît, nous demande seulement d’être sincère avec nous mêmes et donner ce dont on est capable. Ainsi nous comprenons l’humilité de se présenter à Dieu comme nous sommes (Pierre n’était pas habillé!) et se jeter dans les eaux pour aller vers le Seigneur. Sommes-nous vêtus, nous autres, au regard de nos faiblesses ? (Hari icó twāmbáriye ?)

Eglise se nourrit de l’eucharistie, l’Eglise vit de l’Eucharistie.

Autour du Christ, tout peut et doit repartir. C’est au cours du repas préparé par le Maître, que les disciples découvrent vraiment l’identité de l’Inconnu : « Ils savaient que c’était le Seigneur ». Jésus s’approche, prend le pain et le leur donne, ainsi que le poisson » ; le singulier de ce dernier terme contraste avec les « cent cinquante-trois » poissons tirés sur le rivage, qui représentent la multitude des sauvés. Tous les hommes de toutes races, langues et nations sont appelés à ne former qu’un seul Corps en partageant le même et unique Pain. C’est dans l’Eucharistie que l’Eglise se constitue, se structure ; c’est dans l’Eucharistie qu’elle se retrouve et refait son unité. Pour cela, Saint Pierre peut confirmer sa vocation, parce qu’il s’est nourri à la source. Il est fort de son Maître et donc peut s’engager à repartir de lui: « oui, Seigneur, tu sais tout (malgré mes faiblesses, la volonté y est), tu sais que je t’aime ».

« Seigneur donne-nous d’être assez humbles pour ne pas nous approprier ce que tu nous confies ; apprends-nous à ne pas confondre efficacité et fécondité. Et si nous nous sommes égarés, accorde-nous de savoir interpréter les temps de stérilité comme un appel à revenir à toi pour te laisser reprendre l’initiative dans nos vies personnelles, familiales ou communautaires. »

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