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« Au plein milieu de nos tempêtes, Seigneur, Tu es là ». Sauve-nous Seigneur.

IMG_8098Nous attribuons souvent à Dieu les images que nous nous sommes faites de Lui, mais la vérité est qu’il est différent de notre imaginaire et de toute représentation, fût-ce même celle théologique. Au cours de l’histoire d’Israël, le Seigneur s’est progressivement manifesté, selon une pédagogie qu’il a lui-même choisie, mais seulement en Jésus-Christ, « image du Dieu invisible », nous avons connu son visage. La Parole de Dieu, l’Eucharistie et bien d’autres sacrements nous font entrer en sa relation jusqu’au jour où nous le verrons face à face. Les trois lectures de ce 19ème dimanche nous parlent de trois hommes en prise au doute, à la peur, à la tristesse et qui vont être amenés par le Seigneur à surmonter ces états d’âme à travers une purification de leur foi. La foi est une vie de croissance. La première lecture nous situe à un moment clef de la geste d’Elie. Le coup d’éclat du Mont Carmel a plutôt un goût amer. Après que le roi Achab a relaté à Jézabel comment Elie a passé au fil de l’épée tous les prophètes de Baal, celle-ci se promet de les venger.

Elie a peur et entame un exode qui à travers le désert le va le conduire jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. Il avait jusque-là fait l’expérience d’un Dieu fort qui (suite…)

Commentaire de l’Evangile du Vendredi dans l’Octave de Pâques (Jn 21,1-14).

Efficacité et fécondité pastorales.

En lisant l’exhortation Evangelii Gaudium, nous nous rappelons que le Pape met en garde contre une des tentations des pasteurs: celle de ne se fier qu’à leurs expertises et analyses et oublier que Jésus est le centre de la mission. Bien sûr, les analyses valent, l’expertise sert, mais tout cela ne peut aller de soi. C’est cela qui aura été tentation de ces artisans-pêcheurs qui se fient à leur savoir-faire, mais qui se heurtent aux difficultés qu’ils n’auraient jamais averti.

ApparitionNous pouvons donc interpréter la pêche nocturne en Jean 21 comme la description symbolique du travail d’évangélisation – comme le confirme d’ailleurs le nombre de poissons capturés en jetant le filet de la Parole sur l’ordre de Jésus : le chiffre « cent cinquante-trois » correspond au total des nations connues à l’époque apostolique. Ainsi donc derrière le langage symbolique de la pêche, il nous faut entendre l’annonce de la Parole. Cependant, contre toute attente, les efforts des disciples demeurent mystérieusement stériles. Pourtant, ils connaissent leur « métier » : n’ont-ils pas été à l’école du Seigneur lui-même ? On imagine sans peine le désarroi de ces hommes devant le refus et l’indifférence qu’opposent leurs interlocuteurs à leurs efforts d’évangélisation.

Un indice se trouve sans doute dans le fait qu’il n’est question de Jésus que dans la seconde partie du récit ; avant son apparition sur la rive au petit jour, les disciples ne font aucune référence ni au Seigneur, ni à l’Esprit Saint. C’est Simon-Pierre qui prend l’initiative de la mission, un peu comme il le faisait alors qu’il était encore marin-pêcheur. Il semble vouloir aborder la campagne d’évangélisation à la manière dont il menait ses affaires professionnelles, c’est-à-dire ne comptant que sur son savoir-faire. La conséquence ne se fait pas attendre : l’équipe est dans la « nuit » et ses efforts sont stériles.

Tout va changer dès lors que les disciples se laissent interpeller par la présence du mystérieux personnage qui les sollicite depuis le rivage. En fait « Jésus était là » ; entendons : il avait toujours été là, mais les disciples ne pouvaient le percevoir, car leur attention n’était plus focalisée sur lui. On s’imagine sans peine que devant l’échec de leurs efforts, ils ont fini par se mettre en cause et se sont tournés vers le ciel. Du coup ils ont retrouvé la lumière, et « au lever du jour », ils ont aperçu le Maître, sans toutefois le reconnaître immédiatement. La jeune Eglise fait l’apprentissage de l’écoute intérieure de l’Esprit de son Seigneur.

Liberté des enfants de Dieu et humilité

Les disciples vont à la pêche mais ne prennent rien, tant qu’ils ne pensent pas encore se tourner vers Jésus. Celui-ci leur indique quelque chose d’absurde, mais ils obéissent et leur action devient fructueuse.
C’est alors que le disciple que Jésus aimait reconnaît le Seigneur en ce personnage mystérieux. A peine l’a-t-il dit, Pierre n’hésite une seconde à se jeter dans les eaux pour ce diriger vers Jésus. Ce vicaire du Christ se laisse guider par une indication du subalterne.Quand Simon-Pierre l’entendit déclarer que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau ». Le pêcheur redevient disciple en se couvrant du vêtement de la foi, qu’il avait déposé en reprenant les choses en main, et adopte l’attitude juste : il fait confiance dans un acte d’abandon de tout son être.

Que de fois dans notre histoire, les plus petits ont aidé les autorités à reconnaître le Seigneur! Combien les autorités devront se mettre à l’écoute des plus petits qui leur dise:  » c’est Jésus qui passe ». Si ces autorités disent :  » nous seulement, pouvons reconnaître Jésus, sûrement, ils pourront se tromper « . Souvent, dans l’Eglise, les fils provoquent la honte des pères, mais heureux seront ces derniers s’ils seront capables d’éprouver cette honte devant ce que comprennent les fils. Heureux seront ces fils s’ils feront noter le passage de Jésus, sans peur ni calculs mesquins à leurs avantages !

Ainsi nous comprenons la liberté des fils de Dieu à dire ce dont ils sont convaincus, mais aussi l’humilité de se présenter à Dieu comme nous sommes (Pierre n’était pas habillé!) et se jeter dans les eaux pour aller vers le Seigneur. Pouvons-nous alors comprendre la synodalité dont ne cesse de nous parler le Pape François (=cheminer ensemble, les petits et les grands, chacun apportant sa pierre de touche pour l’édification de la même famille ); tout cela ne pouvant qu’aider dans le renforcement de la communion ecclésiale.

Eglise se nourrit de l’eucharistie, l’Eglise vit de l’Eucharistie.

Autour du Christ, tout peut et doit repartir. C’est au cours du repas préparé par le Maître, que les disciples découvrent vraiment l’identité de l’Inconnu : « Ils savaient que c’était le Seigneur ». Jésus s’approche, prend le pain et le leur donne, ainsi que le poisson » ; le singulier de ce dernier terme contraste avec les « cent cinquante-trois » poissons tirés sur le rivage, qui représentent la multitude des sauvés. Tous les hommes de toutes races, langues et nations sont appelés à ne former qu’un seul Corps en partageant le même et unique Pain. C’est dans l’Eucharistie que l’Eglise se constitue, se structure ; c’est dans l’Eucharistie qu’elle se retrouve et refait son unité.
Pour cela, Saint Pierre peut confirmer sa vocation, parce qu’il s’est nourri à la source. En effet’, cette épisode précède immédiatement la triple confession de l’amour de Pierre. Il est fort de son Maître et donc peut s’engager à repartir de lui: « oui, Seigneur, tu sais tout (malgré mes faiblesses, la volonté y est), tu sais que je t’aime ».

« Seigneur donne-nous d’être assez humbles pour ne pas nous approprier ce que tu nous confies ; apprends-nous à ne pas confondre efficacité et fécondité. Et si nous nous sommes égarés, accorde-nous de savoir interpréter les temps de stérilité comme un appel à revenir à toi pour te laisser reprendre l’initiative dans nos vies personnelles, familiales ou communautaires. »

Pâques, c’est la Fête du grand passage à la suite de notre Berger, le Christ.

 » … pour qu’ils aient la vie, et en abondance. »

Cette semaine marque un tournant dans les évangiles du temps pascal. Jusqu’ici tournés vers la résurrection elle-même, voici qu’ils s’ouvrent vers l’engagement de ceux qui accueillent le ressuscité et vers la croissance de l’Eglise. La liturgie nous oriente déjà vers la Pentecôte, sous la conduite du premier Apôtre, saint Pierre.

Pour commencer, nous entendons la suite du discours de Pierre au matin de la Pentecôte. Il s’adresse aux pèlerins venus nombreux à Jérusalem pour cette grande fête liturgique. Ils viennent fêter le don de la Loi que Dieu fait à son peuple pour le conduire au bonheur. Pendant la liturgie de ce jour, le livre de Ruth est proclamé. Ruth est cette « femme parfaite » (Rt 3,11) qui devint, pour avoir osé suivre l’exemple d’Abraham jusqu’au bout, l’aïeule du roi David, figure du Messie. Cette liturgie est donc également celle où l’on s’interroge sur le Messie.

Tel est le contexte de la célébration.

Alors retentit la voix de Pierre : « il s’agit de Jésus le Nazaréen (…) Que tout le peuple d’Israël en ait la certitude : ce même Jésus que vous avez crucifié, Dieu a fait de lui le Seigneur et le Christ ». Le message est clair. Pierre est convaincu que Dieu ne cesse jamais d’appeler les hommes, mêmes ceux qui sont loin, ou mieux, même ceux qui se croient être loin. Le message est reçu. La preuve en est qu’il entraîne un changement de comportement. «Que devons-nous faire ? » demande-t-on à Pierre. 

Cette question n’est pas un détail. Elle vaut pour nous également : nous mesurons notre accueil de la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ au changement de vie qu’elle entraîne, à la conversion qu’elle suscite. Cette conversion, à laquelle nous avons à nous préparer, se fait dans et par le don de l’Esprit-Saint ; mais la question centrale est de se situer par rapport à Jésus.

L’importance de la place que nous faisons à Jésus dans nos vies est dite par saint Pierre, qui introduit dans la deuxième lecture la figure du berger veillant sur son troupeau, et par saint Jean, qui rapporte deux paraboles de Jésus, ce qui est exceptionnel dans le quatrième évangile. La figure pacifique du berger n’est pas une version édulcorée du messie. Ses brebis le suivent parce qu’elles connaissent sa voix, mais cet appel à la vie prend toujours les chemins déconcertants de la Croix. Qui parmi nous ne vit pas la bataille contre le doute si il se trouve dans des moments déconcertants, douloureux, etc ? Nous sommes devant une image importante de la vie : le bercail n’est pas un lieu de sûreté, mais un lieu où il faut se défendre des bandits. Oui, ma vie chrétienne est un combat. « C’est bien à cela que vous avez été appelés, confirme saint Pierre, puisque le Christ lui-même a souffert pour vous et vous a laissé son exemple afin que vous suiviez ses traces ». Ainsi, le Bon Berger fait mieux que veiller sur nous, il fait que nous ne sommes jamais seuls dans la souffrance et que nos souffrances ont désormais un sens et une issue heureuse : « c’est par ses blessures que vous avez été guéris ».

C’est dans ce contexte que nous pouvons aborder la figure du messie comme berger.

La première constatation est que le titre de « Bon Berger » est ici abusif. Jésus se présente comme « la Porte des brebis ». Cette porte est d’abord celle qui permet de distinguer les voleurs et les bandits du berger des brebis. Les voleurs ne passent pas par la Porte. Ceux des hommes qui œuvrent dans l’ombre et escaladent par un autre endroit. Ensuite, dans la deuxième parabole, la porte des brebis est ouverte pour laisser les brebis sortir librement. Le berger a disparu, ceux qui appellent sont les voleurs – mais les brebis ne les écoutent pas – et les brebis passent par la porte pour accéder aux verts pâturages que nous raconte le psaume 23, c’est-à-dire au salut : Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer où il me conduit.

Les deux paraboles se complètent pour peindre la centralité de Jésus, mais elles ouvrent sur deux attitudes du troupeau. Dans le premier mouvement, le troupeau suit le berger unanimement, répondant à son appel ; dans le deuxième, les brebis se décident en toute liberté à passer la porte qui mène aux pâturages. L’un ne va donc pas sans l’autre. L’appel de Dieu est impératif, rien ne s’oppose à lui, mais notre liberté doit s’exprimer pleinement.

 Finalement le rôle du Seigneur est d’ouvrir une brèche. Il est la Porte de la prison de notre péché. Dans sa conclusion, Jésus ne parle en effet plus de brebis mais de personnes : « si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ». Ces paroles nous permettent de mieux peser l’unité des textes de ce dimanche dit « du Bon Pasteur ». La fête de la Résurrection est la fête de la Pâque, celle du grand passage à la suite de notre berger. La résurrection de Jésus a ouvert la porte du royaume, le passage libérateur vers le Père. Mais le suivre nécessite que notre comportement change, à l’image des auditeurs de saint Pierre dans la première lecture. Pour faire pleinement notre Pâques, il nous faut accueillir l’Esprit qui bouleverse nos vies et nous donne la liberté de passer de l’autre côté de la Porte.

Tout est entre nos mains. Habitués à la pénombre de nos bercails, une brèche s’ouvre sur le monde illuminé par la Résurrection. Habitués au silence de la mort qui fait en nous son œuvre, la voix du bon berger retentit et nous appelle à la vie. A nous de choisir librement de suivre celui qui se met au service de notre liberté. Désirons-nous habiter la maison du Père « pour la durée de nos jours », comme nous le chantons dans le psaume 23 ? Ou rester, « errants comme des brebis » à la merci des voleurs ? 

Ce choix que nous avons à faire est réel mais il n’est pas option. L’invitation de Jésus concerne tout homme, même les voleurs. Jésus est le chemin, même pour ceux qui s’opposent à lui. En ces temps où l’on tente de réduire la foi à une orientation privée et relative, la question de ce jour est franche : sommes-nous convaincus qu’il n’y a pas d’autre guide que Jésus, pas d’autre passage possible que le Christ ? Il n’y a qu’une vérité, c’est lui-même. Toutes les autres n’existent et n’ont de valeur que dans la mesure où elles y conduisent, dans la mesure où elles viennent de lui. Cette vérité suscite l’adhésion et implique un changement de vie.

En ce jour où l’Eglise nous demande de prier pour les vocations, implorons pour nos jeunes la grâce de l’écoute de la Parole du Bon Berger, spécialement en notre temps où nombreuses sont les voix qui appellent.

Seigneur, donne-nous de faire avec toi le grand passage, car tu es notre Pâque, tu es le chemin qui mène vers le Père, le chemin de la vie. Donne-nous de ne rien préférer à la grâce que tu nous fais. Tu prépares pour nous une table à la face de nos ennemis, tu répands sur nous le parfum et notre coupe est débordante. Grâce et bonheur nous accompagnent tous les jours de notre vie. Dans la joie et la reconnaissance nous passons la Porte des brebis pour la maison du Seigneur tous les jours de notre vie. Ainsi soit-il.

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