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La passion du Christ nous révèle le vrai visage de Dieu. Tel est la paradoxe de la foi chrétienne
Il est d’usage, lors du dimanche des Rameaux, de rentrer en procession dans l’église pour commémorer l’entrée de Jésus à Jérusalem. Dans l’Evangile proclamé juste au début de la procession, Jésus est désigné comme « Celui qui vient au nom du Seigneur » pour restaurer enfin la royauté promise à David pour sa descendance. Jésus est donc bien le Messie attendu par Israël, ce roi humble, juste et victorieux, qui restaurera la cité sainte de Jérusalem. En lui se réalise pleinement la prophétie messianique de Zacharie : « Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un ânon tout jeune » (Za 9, 9).
L’atmosphère qui ressort du récit évangélique est joyeuse et festive, et derrière les chants d’acclamations qui accompagnent l’entrée du Christ dans la ville sainte s’annonce déjà son triomphe définitif sur la mort et le péché durant la nuit pascale. L’espérance d’être sauvés et de ressusciter avec lui pour vivre dans la Patrie céleste de sa vie divine se trouve ainsi mise devant nos yeux.
Paradoxe, coup de tonnerre: le climat change avec les lectures de la messe qui mettent en relief les conditions nécessaires pour que ce triomphe puisse s’opérer. Comme le dit Saint Bernard : « Si la gloire céleste se trouve présentée dans la procession, dans la messe se trouve manifestée quelle route nous devrons emprunter pour la posséder. » C’est le comble (suite…)
La passion du Christ nous révèle le vrai visage de Dieu. Paradoxe de la foi chrétienne.
Il est d’usage, lors du dimanche des Rameaux, de rentrer en procession dans l’église pour commémorer l’entrée de Jésus à Jérusalem. Dans l’Evangile proclamé juste au début de la procession, Jésus est désigné comme « Celui qui vient au nom du Seigneur » pour restaurer enfin la royauté promise à David pour sa descendance. Jésus est donc bien le Messie attendu par Israël, ce roi humble, juste et victorieux, qui restaurera la cité sainte de Jérusalem. En lui se réalise pleinement la prophétie messianique de Zacharie : « Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un ânon tout jeune » (Za 9, 9).
L’atmosphère qui ressort du récit évangélique est joyeuse et festive, et derrière les chants d’acclamations qui accompagnent l’entrée du Christ dans la ville sainte s’annonce déjà son triomphe définitif sur la mort et le péché durant la nuit pascale. L’espérance d’être sauvés et de ressusciter avec lui pour vivre dans la Patrie céleste de sa vie divine se trouve ainsi mise devant nos yeux.
Paradoxe, coup de tonnerre: le climat change avec les lectures de la messe qui mettent en relief les conditions nécessaires pour que ce triomphe puisse s’opérer. Comme le dit Saint Bernard : « Si la gloire céleste se trouve présentée dans la procession, dans la messe se trouve manifestée quelle route nous devrons emprunter pour la posséder. » C’est le comble du paradoxe de la foi chrétienne. Jésus est ce Messie qui n’a pas voulu qu’on fasse publicité de sa personne, quand il opérait des miracles. Sa grande révélation s’accomplit quand il est défiguré par la souffrance, sur la croix, au point de convertir un païen, un étranger, un oppresseur du peuple de Dieu: le centurion romain. Le vrai visage de Dieu et de son envoyé se manifeste en Jésus défiguré.
L’hymne de l’épître aux Philippiens que nous trouvons dans la 2ème lecture est peut-être le passage qui nous décrit cela de la façon la plus aboutie : » Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur…. il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix »
La liturgie du dimanche de la passion nous propose ce cheminement: faire mémoire des événements de notre salut. Jamais la mémoire est neutre, ascétique. Quand on nous demande quand un tel héros national est mort (Melchior Ndadaye, Louis Rwagasore,… pour les Burundais par exemple), nous sommes capables de le dire. Mais à cela se rattachent des souvenirs de guerre, de peurs, d’insomnie, …. Ainsi, la mémoire de la passion du Christ ne peut être seulement une prise d’acte d’une série d’événements. La lecture doit se transformer en une méditation, en une contemplation. C’est pourquoi quand on porte à la maison les rameaux et qu’on les place dans un endroit, chaque fois que nous les voyons, cela doit susciter la mémoire de ces faits fondateurs de notre vie chrétienne, autrement, cela risque de se transformer en un objet de superstition.
Car c’est bien là que se joue notre salut. En communiant humainement à la volonté divine du Père, Jésus rétablit notre nature humaine dans une relation filiale avec le Père, filiation qui avait précisément été refusée dans l’acte même du péché originel. En choisissant d’entrer dans sa Passion et de la vivre jusqu’au bout, il exprime son abandon total entre les mains de son Père. Par le « oui » qu’il donne humainement à un moment où la délibération de tout homme serait infléchie au maximum vers le refus, Jésus nous sauve en accomplissant dans une nature humaine l’existence filiale parfaite.
Nous touchons ici le paradoxe de tous les paradoxes. Comment, le Fils de Dieu pourrait-il nous sauver au travers d’une telle vulnérabilité ? Cela nous ne pourrons le comprendre qu’au pied de la Croix, après avoir suivi Jésus durant sa Passion. Alors avec le Centurion romain, ce païen, cet étranger, nous pourrons confesser : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15, 39). Ce n’est qu’après que la Passion avec ses violences, ses délations, trahisons et défections, ait fait s’écrouler toutes les fausses idées humaines que nous avions pu projeter sur la messianité de Jésus, que nous pourrons réellement découvrir dans la foi le mystère de sa personne et de sa mission pour y adhérer de toute notre cœur, de toute notre âme et de toute notre force. Le visage défiguré de Jésus nous révèle le vrai visage de Dieu. Ce Jésus qui ne réplique rien aux accusations durant son procès nous enseigne la force et l’éloquence du silence. Avec ces images, toutes nos projections idolâtres du délire de puissance de l’homme croulent; sont démenties nos prétentions empreintes de pouvoir, de force et de violence et nous sommes invités à repenser nos visions de seigneurie, de liberté et d’obéissance.
La foule en liesse s’est amassée pour saluer Jésus qui entrait à Jérusalem. Mais la même foule qui criait « Hosanna » et « Béni soit celui qui vient » criera « Crucifie-le » ! Il y a dans la vie des moments où il est facile de se laisser entraîner à suivre et à acclamer Jésus. Le Dimanche des Rameaux où nous nous réunissons pour prendre un rameau et écouter la Passion fait partie de ces moments. Mais saurons-nous reconnaître le visage du Christ dans notre quotidien ? Le suivrons-nous lorsque ce choix impliquera de porter la Croix ?
Un jour,un catéchiste raconta à ses élèves le récit de la passion de Jésus. A la fin, pour les pousser à réfléchir un peu, demanda en quels personnages chacun se reconnaissait. La réponse presque unanime fut celle ci: Saint Jean, ou bien, les pieuses femmes. Heureux sont-ils, ces gars. Nous les adultes, nous sommes presque les uns et les autres: Judas, chaque fois que nous vendons Jésus même pour moins de 30 pièces; Saint Pierre quand nous sommes courageux entre les 4 murs de nos maisons ou de nos églises sans oser au moins faire signe de croix quand on mange au resto ou dans un bus de transport en commun; Pilate quand nous vivons des compromis pour sauvegarder ne fût-ce que nos privilèges, nos salaires, nos postes d’attache; Hérode au moment où nous ne sommes pas capables de voir les nécessités de nos frères en difficultés; les pieuses femmes ou Simon de Cyrène lorsque nous faisons nôtres les souffrances du Christ et de toute l’humanité, quand nous en faisons au moins objet de notre prière; Saint Jean chaque fois que nous nous remettons debout après avoir fui les lieux de nos combats de la foi.
Les textes de ce dimanche nous invitent à nous interroger sur notre attachement au Christ. Nous le reconnaissons et l’acclamons comme notre Roi, notre Sauveur, notre Rédempteur. Notre attitude devant la Croix, quand elle se proposera à nous, sera pourtant révélatrice de ce que représentent réellement pour nous ces titres que nous lui attribuons. Suivre le Roi d’humilité implique d’avancer sur le chemin de l’amour et du don total de soi.
Sans prétendre y arriver tout de suite, nous ne devons pourtant pas perdre de vue cette finalité et prendre les moyens pour la rejoindre. Les textes de ce jour nous apprennent que le plus fondamental peut-être c’est d’entrer toujours davantage dans la même intimité, la même communion de volonté avec Jésus que celle qu’il entretenait avec son Père. C’est une invitation à prier toujours plus et toujours plus intensément. C’est, en effet, dans la prière seule, comme Jésus à Gethsémani, que nous trouverons la force de choisir et non pas de subir nos croix dans le don total de nous-mêmes. L’enjeu est de taille car c’est ici que se joue l’avènement du Royaume de Dieu.
En effet, après avoir réveillé trois fois les disciples pour les inviter à la prière, seul remède devant la souffrance et la mort, Jésus semble habité d’une force nouvelle : « C’en est fait. L’heure est venue : voici que le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici que celui qui me livre est tout proche » (Mc 14,41 42). C’est grâce à la veille dans la nuit et à la prière dans l’union au Père que Jésus a trouvé la force d’accepter et d’embrasser la croix qui arrive. Voilà où nous devons tirer notre énergie morale et physique dans les moments difficiles. Lorsque nous puisons, comme Jésus, notre force dans la prière, alors c’est lui qui nous accompagne sur notre propre chemin de croix. Nous ne sommes plus seuls dans l’épreuve.
Seigneur, fais-nous la grâce, durant cette semaine sainte, d’être renouvelés dans notre attachement à ta personne. Fais-nous la grâce de savoir te contempler et t’écouter dans ta Passion, t’écouter parler à notre cœur, t’écouter nous dire : « Tu comptes beaucoup pour moi. »